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2 mars 2020
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A 97 ans, Pierre Cardin reste couturier du futur

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2 mars 2020

PARIS (Reuters) - Il a connu Jean Cocteau, travaillé avec Christian Dior et donné sa chance à Jean-Paul Gaultier : à 97 ans, Pierre Cardin, dernier survivant de l’âge d’or de la couture française, reste tourné vers l’avenir.


Le créateur Pierre Cardin, 97 ans, lors de la présentation de la collection de son nouveau protégé Pierre Courtial - Photo prise le 27 février 2020 / Reuters / Charles Platiau


Le couturier à la démarche chancelante mais à la formule toujours prête à jaillir au coin des lèvres présentait jeudi soir à Paris la collection de l’un de ses protégés, Pierre Courtial, dans son studio de la rue Saint-Honoré. “Aujourd’hui c’est déjà demain, alors vous pensez : hier, c’est avant-hier”, a dit à Reuters aux côtés de son élève celui qui fit grand bruit en lançant le style futuriste dès les années 1950.

Le travail de Pierre Courtial, qui fabrique tout de ses mains, des chaussures aux vêtements en passant par les bijoux, rappelle l’œuvre du maître qui révolutionna la mode avec des robes-bulles, des jupes en vinyle, des combinaisons façon cosmonaute et vestes pour homme hérissées d’épaulettes. “J’ai été formé par Pierre de A à Z”, raconte le jeune homme de 27 ans, originaire de Provence, entré chez Cardin il y a cinq ans à la faveur d’un stage. “M. Cardin va à l’essentiel, il n’y a pas de fioriture. Si l’essentiel est là, bien placé, bien étudié, appréhendé, ça suffit en somme.” Trois générations séparent les deux hommes.

Un an après la mort de Karl Lagerfeld, Pierre Cardin est l’un des derniers témoins des grandes années de la Haute Couture amorcées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par la révolution “New look” de Christian Dior, dont il fut l’employé, avant l’arrivée d’un autre assistant nommé Yves Saint Laurent.

“Quand Dior ouvrait le matin à 07h30, j’étais devant la porte. À l’époque, personne ne connaissait Dior”, raconte le patriarche d’origine italienne, né en 1922. “J’ai eu la chance de travailler avec Jean Cocteau, Christian Bérard, Max Ophüls, Christian Dior, Jean Delannoy, tous les grands en somme. J’ai eu des maîtres qui m’ont donné la force d’exister à travers mon originalité, ma personnalité.”

S’il ne vient plus que quelques jours par semaine dans son bureau situé au dessus de sa boutique principale située en face de l’Élysée, Pierre Cardin continue de dessiner. “En couture, les clientes américaines sont les plus fidèles”, témoigne Maryse Gaspard, ancien mannequin qui travaille à ses côtés depuis un demi-siècle.

Attentif à la jeune génération, Pierre Cardin garde aussi un œil sur ses affaires, lui qui fit fortune par son talent mais aussi grâce au système de licences sur son nom qu’il fut l’un des tout premiers à lancer. Propriétaire du restaurant Maxim’s et du château du marquis de Sade à Lacoste, village du Vaucluse où il possède aussi une quarantaine de maisons, Pierre Cardin se montre encore parfois dans les soirées, comme en janvier lors du dernier défilé de Haute Couture de Jean-Paul Gaultier, qui fut son élève à ses tout débuts.

“Gaultier avait de la personnalité, provocante, et il a réussi très bien”, se souvient-il. Avoir de la personnalité : tel est le leitmotiv du couturier membre de l’Académie des Beaux-Arts, qui fait volontiers l’éloge de la différence. “A partir du moment où on voit un style de robe qui n’est pas habituel, on a du talent. C’est comme un sculpteur, comme un peintre, comme un artiste tout simplement”, dit-il. “J’ai essayé de faire autrement que les autres, être moi-même. Que ça plaise ou pas, la question n’est pas là. C’était être différent, d’avoir un signe de reconnaissance : ça c’est du Cardin."

Le couturier a eu l’honneur d’une rétrospective l’été dernier au Brooklyn Museum de New York et ses proches espèrent en organiser une prochainement en Chine, où il fut le premier couturier occidental à défiler en 1979. Un musée Cardin “Passé-Présent-Futur” s’est installé il y a quelques années dans le quartier parisien du Marais. Un documentaire, “House of Cardin”, sortira en mars. Autant d’hommages de son vivant à l’un des derniers témoins d’un monde presque englouti.


 

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