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Andrea Bonardi (Texere Advisors) : « C’est le moment idéal pour investir en direct en Asie »

Publié le
28 juin 2016

Après avoir ouvert la filiale de La Perla à Singapour en 2006, qu’il a gérée jusqu’en 2013 en ouvrant plus de 40 points de ventes en Asie, Andrea Bonardi a créé Texere Advisors, une société  de conseils s’adressant à des entreprises européennes de moyenne dimension, réalisant un chiffre d’affaires autour de 20 à 30 millions d’euros, souhaitant s’implanter en Asie, pour qui il gère en direct leur filiale sur place. Parmi ses clients, la maison Fabiana Filippi, la marque de linge de maison Frette et les sociétés de design Moroso et Potocco.

Le manager, qui se partage entre ses deux sièges de Singapour et Milan, explique à FashionMag la situation en Asie, les marchés où investir, les opportunités à cueillir… mais aussi les pièges à éviter.

Andrea Bonardi, managing director de Texere Advisors


FashionMag : L’Asie est-elle un marché attractif en ce moment pour les marques de mode et de luxe ?

Andrea Bonardi :
C’est le moment idéal pour investir en direct en Asie ! Tout d’abord, il y a davantage de place dans les centres commerciaux, les grandes griffes ayant réduit leurs surfaces de vente. Les consommateurs chinois voyagent énormément et de manière intercontinentale. Ils sont devenus très compétents, ce qui a poussé aussi les malls à se renouveler et chercher de nouveaux labels. Par ailleurs, les loyers se négocient dans de bien meilleures conditions. Paradoxalement, par rapport au passé, il est plus facile de s’implanter via une filiale en direct qu’à travers un distributeur.

FM : Pourquoi ?

AB :
Le marché a évolué. Aujourd’hui, les principaux acteurs de ce secteur sont les fonds, qui ont investi dans les Maisons de mode. Ils veulent un retour sur investissement rapide et n’auront pas le même rapport de confiance qu’une entreprise avec son distributeur. A cela s’ajoutent les coûts qui ont beaucoup augmenté. Sans compter l’alignement des prix avec L’Europe. Du coup, les marges se sont fortement réduites. Et les distributeurs ne sont plus disposés comme avant à investir à 100 % dans une marque qui rachètera le business peu d’années après.

FM : Quelles sont les conditions indispensables pour pouvoir s’implanter en Asie ?

AB :
Certaines marques ne sont pas prêtes, car pour le marché asiatique, elles ne sont pas assez connues. Surtout dans le secteur de la mode et des accessoires. Les centres commerciaux nous demandent systématiquement si la marque qui souhaite s’implanter a une boutique à Londres. Pour les marchés émergents, ne pas être présent à Londres si on est une marque de mode est rédhibitoire. Pour le secteur de l’ameublement et du design, en revanche, cela est plus facile. Le lifestyle est le nouveau luxe en Asie. Il y a beaucoup de curiosité. C’est un secteur en forte croissance, l’un de mes clients du design a multiplié son chiffre par trois en deux ans !

FM : Pourquoi Londres et non Paris ?

AB :
Londres est le point de référence absolu dans le retail de luxe pour la mode et les accessoires. Paris l’est sans doute plus pour la joaillerie.

FM : Quels sont les marchés les plus intéressants en Asie ?

AB :
Le Japon et la Corée, qui s’est beaucoup développée ces dernières années. C’est là que vont les Chinois ! D’une manière générale, les consommateurs y sont plus semblables à nous. Et surtout, par rapport à la Chine, il y toutes sortes de formats de vente, du retail au department store, en passant par les boutiques multimarques. Ce sont des marchés plus ouverts.

FM : Quelle est la situation à Hong Kong pour les marques de luxe ?

AB :
Les maisons de luxe ont vu leur chiffre d’affaires reculer de 5 % dans leurs boutiques hongkongaises. Mais Hong Kong reste une place importante. C’est la porte d’entrée pour le luxe vers la Chine, une vitrine incontournable. Par ailleurs, les investissements nécessaires y sont moins élevés qu’en Chine car il n’y a pas de droits de douane.

FM : Pourtant, beaucoup de griffes ont réduit leur voilure à Hong Kong…

AB :
C’est vrai, mais parce qu’elles s’étaient exagérément agrandies auparavant. Ces marques étaient habituées à des taux de croissance de 30 %. Aujourd’hui, la plupart sont en train d’y réduire leurs surfaces de vente, revenant à des boutiques de 700 m² en moyenne contre 1 500 m² par le passé, ou passant de quatre étages à deux pour les plus grandes ! En revanche, les marques de niche ou bien les nouveaux labels très innovants, qui ne se sont pas surexposés comme les autres, par stratégie ou tout simplement parce qu’il était impossible d’entrer dans un mall quand on n’était pas une super marque, sont en train de bien performer.

FM : Qu’en est-il de la Chine ?

AB :
C’est le dernier marché en Asie où j’irais investir ! C’est le marché qui demande le plus d’investissement et qui rend le moins. En plus, pour avoir un certain impact dans ce pays sur le secteur du luxe, il faut ouvrir un minimum de 10 à 15 boutiques. Or, avec le fort turnover du personnel, la législation qui change constamment, des négociations plus que difficiles avec les interlocuteurs, sans oublier les droits de douane et la TVA sur les produits importés, de l’ordre de 40 % sur le prix total du produit, il faut vraiment avoir les épaules solides. Pour ouvrir une société en Chine, il faut compter au minimum neuf mois. Le plus dur au final n’est pas d’inaugurer les boutiques, mais de les maintenir ouvertes ! Il faut beaucoup de trésorerie car ce marché requiert des investissements en continu.

FM : C'est-à-dire ?

AB :
Les contrats des loyers dans les centres commerciaux, par exemple, sont de trois ans. Au bout de ce délai, si la marque ne marche pas bien, on lui demande de rénover sa boutique ou de partir. Au-delà de l’argent, les entreprises qui viennent en Chine doivent être vraiment structurées du point de vue légal, commercial et logistique.

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