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19 janv. 2016
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Armand Hadida : "Un espace de mode contemporain doit tout montrer. Jusqu'à la cuisine"

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19 janv. 2016

Ce sera la seconde fois que Tranoï Homme et Tranoï Preview, dédié aux pré-collections féminines, seront rassemblés à Paris. Du 23 au 25 janvier, les deux salons ne feront plus qu'un pour présenter 300 marques, dont environ 140 masculines, 120 féminines et, nouveauté, une trentaine de parfumeurs. FashionMag a interrogé Armand Hadida sur cette nouvelle diversification de l'offre qui sera proposée en deux lieux, le Palais de la Bourse, toujours, et pour la première fois, la Cité de la Mode et du Design.


Visuel Tranoï janvier 2016 - Tranoï.


FashionMag.com : Pour la seconde fois, Tranoï Homme et Tranoï Preview (femme) feront salon commun cette saison. Doit-on d’ailleurs parler d’un seul salon mixte désormais ou toujours de deux distincts ?


Armand Hadida : C’est un salon, c’est une discipline globale qui est la nôtre. Il y a toujours eu des frontières entre les secteurs, mais nous sommes justement là pour les gommer. Nous sommes là pour véhiculer une expression artistique, et elle se nourrit de rencontres, d’échanges… Nous devons être ce carrefour de communication. Les distinctions entre pré-collections et collections principales vont se fondre de plus en plus… Il y a une vraie réflexion qui a commencé autour du calendrier de la mode.

FM : Les acheteurs de l’homme et de la femme ne sont pourtant pas les mêmes ?

AH : C’était évident pour nous qu’il fallait réunir les deux salons, pour plus de confort et de facilité pour les acheteurs, toujours plus sollicités et pressés. Mais il y a une diversité de besoins. Certains ne font que deux salons, mais arrivent à faire vivre leur boutique grâce à une très grande créativité. D’autres en font six ou huit par an… Les choix stratégiques sont multiples. Le nôtre, c’est de répondre à cette question du manque de temps des acheteurs et leur donner à réfléchir, sans barrière. La mode, c’est un environnement, pas juste du vêtement. Cette saison, il y aura du parfum, mais si je pouvais montrer de l’artisanat par exemple, pourquoi pas ? Un espace de mode contemporain doit tout montrer. Je vends même une cuisine chez L’Eclaireur, même si le noyau central, c’est le vêtement.

Aujourd’hui, le client a tout à portée de main, sur son téléphone. Ce que nous, marchands, nous devons arriver à faire, c’est arriver à le surprendre encore. Comment mériter encore la confiance de ces personnes qu’il était beaucoup plus facile de séduire auparavant ? Je ne vois aucune chance de survie aujourd’hui pour une boutique sans âme, sans le talent d’arriver à étonner, d’habiter son lieu.
 
FM : Craignez-vous un impact des attentats sur le visitorat des salons ?

AH : Je comprends certains visiteurs préoccupés… Il y a même certains pays dans lesquels les compagnies d’assurances ne veulent plus assurer une équipe, mais seulement un acheteur… Nous y sommes forcément attentifs, mais j’ai eu récemment des nouvelles encourageantes, qui disent que dans certains pays les choses commencent à se décoincer un peu…
 
FM : Avez-vous le sentiment que l’idée d’un salon dédié aux pré-collections est aujourd’hui comprise ?

AH : J’ai envie de dire : tant pis pour les malentendants et les aveugles s’ils ne comprennent pas ! Nous, on est là pour soutenir ceux qui ont besoin de ce service. Les multimarques doivent prendre conscience qu’il y a un énorme travail à faire, de recherche, de curiosité tous azimuts… Malgré certaines réticences, le Tranoï Preview est en nette progression. La signature du nouveau lieu est la preuve de la foi que j’ai en ce salon et son évolution. Quatre collections aujourd’hui, c’est bien le minimum de survie pour une boutique. Il faut de la nouveauté, faire bouger, alimenter son espace commercial. On est tellement en retard en France… les Américains font parfois six ou huit salons par an.
 
FM : Et du côté de l’homme, la dynamique est plus difficile ?

AH : Du côté de l’homme, il y a une vraie question en ce moment. Un décalage de générations. Ce qui fait la mode, c’est la nouvelle génération qui bouscule… Or, les Italiens ont tendance à devenir ce qu’ont été les Anglais à un moment… A répéter en boucle le même vestiaire classique… Tranoï n’est pas le Pitti, nous ne pouvons pas montrer tout ce qui existe sur le marché, avec l’espace des spécialistes de la chemise d’un côté, celui du pantalon de l’autre... Nous ne voulons pas proposer de marques classiques. Alors oui, c’est plus difficile aujourd’hui sur l’homme. Parce que la nouvelle génération dont on parle, celle qu’on voudrait avoir sur le salon, celle qui renouvelle le genre, a un problème : son ego surdimensionné. Ils veulent s’isoler, montrer leurs collections dans des galeries, ne veulent pas se compromettre dans un salon. Mais c’est pourtant pratique pour les acheteurs, et c’est là qu’on peut se confronter un peu aux autres et se remettre en question aussi…
 
FM : Cela modifie un peu l’offre globale du salon ?
 

AH : Le prêt-à-porter homme, c’est donc compliqué… mais les dosages changent. L’accessoire est très présent, mais il l’a toujours été en boutique. Depuis toujours, dans les multimarques, les bestsellers sont des accessoires, pas des vêtements. Ça a toujours été le cas chez nous, chez L’Eclaireur. Donc nous devons leur proposer ces petites choses-là, qui personnalisent une silhouette devenue très seconde peau aujourd’hui… L’accessoire, c’est l’essence même du multimarque pour moi.

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