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Avec la crise du Covid, la pression s'accroît sur l'habillement et ses méthodes de fabrication

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4 févr. 2021

Après plusieurs scandales retentissants, le secteur textile a entrepris d'améliorer son impact aussi bien social qu'environnemental, sous la pression des consommateurs et des bouleversements économiques consécutifs à l'épidémie de Covid-19.


Une usine de Dhaka en décembre 2014 - Shutterstock


Une industrie problématique



Pour l'ONG Greenpeace, "l'industrie de la mode jetable symbolise l'impasse de notre système économique", citant "pollution et destruction des écosystèmes, violation des droits humains, irresponsabilité des multinationales, obsolescence frénétique des produits".

L'effondrement en avril 2013 du Rana Plaza, un atelier de confection situé à Dacca (Bengladesh), avait fait plus de 1.130 morts et jeté une lumière crue sur les dessous de la mode. Plus récemment, les rapports et enquêtes sur l'utilisation par certaines marques de coton issu du travail forcé des Ouïghours en Chine a fait office de piqûre de rappel.

Pourtant, Nathalie Lebas-Vautier a observé "depuis trois ans", une accélération de la prise en compte des enjeux de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) du secteur. Pour la fondatrice de Good Fabric, qui conseille les entreprises sur leur stratégie RSE, la tendance s'est même "renforcée cette année grâce ou à cause de l'épidémie de Covid-19".

Demande en évolution



Céline Choain, spécialiste du secteur mode et distribution au sein du cabinet Kea & Partners, évoque une part croissante de consommateurs "attirés par des marques qui ont du sens", et qui demandent aux entreprises de faire mieux, à la fois socialement et environnementalement.


Activiste engagée dans la protection de la planète, Beth Thoren a rejoint Patagonia pour diriger ses actions environnementales. - Patagonia


Un des exemples internationaux les plus souvent cités en la matière est l'américain Patagonia. "Nous ne nous procurons plus de coton de Chine, pas seulement du Xinjiang", explique dans un courriel à l'AFP Cara Chacon, vice-présidente RSE. Il a fallu "remonter notre chaîne d'approvisionnement jusqu'au niveau des fermes", détaille-t-elle, collectant des informations des fournisseurs concernant leur propre chaîne d'approvisionnement pour "aider à identifier les pays d'origine des fibres de coton".

Chaîne d'approvisionnement éclatée



Tout sauf simple, "notamment en Asie", appuie Olivier Salomon, directeur à AlixPartners chargé de la distribution et des biens de grande consommation. "C'est toujours un peu surprenant de voir à quel point il est difficile d'avoir des données précises".

Pas forcément une question de mauvaise volonté, mais d'interaction entre équipes, de langue, de classification des informations. Une harmonisation est "faisable, mais va peut-être prendre du temps", explique le spécialiste.

"Il s'agit d'une industrie très fragmentée", confirme Nathalie Lebas-Vautier. Alors qu'"une transformation d'entreprises nécessite une gouvernance cohérente à tous les niveaux", et l'implication de l'ensemble des parties prenantes de la filière industrielle.

Evolution contrainte



La situation évolue aussi parce que "le système inflationniste de commandes à l'avance a atteint ses limites", explique Céline Choain. La consommation de vêtements neufs décline et les consommateurs recherchent des produits durables, hésitant de moins en moins à se tourner vers la seconde main.


Asphalte détaille sur son site toutes les étapes de fabrication de ses produits dans un souci de transparence- Asphalte


Or, importer d'Asie implique des délais plus longs, et, l'année 2020 l'a rappelé, une plus grande vulnérabilité en cas de fermetures des frontières. Les entreprises cherchent "à équilibrer leur bassin d'approvisionnement entre grand import et proche import", quitte à payer plus cher à l'achat.

Autre conséquence du Covid-19, qui a laminé le secteur de l'habillement - les ventes sont en baisse de 18% en France en 2020, selon l'Institut français de la mode -, "beaucoup de marques n'ont plus les moyens de financer des collections pléthoriques", explique encore Céline Choain.

Nouveaux modèles



La crise pourrait alors faire émerger d'autres modèles. C'est par exemple celui de la marque de prêt-à-porter pour hommes Asphalte, qui propose de ne produire qu'à la demande, sur la base d'un prototype, le produit fini n'arrivant que quelques mois plus tard, une fois confectionné.

Autre piste de travail: le recyclage, "un des enjeux forts des prochaines années" pour Céline Choain, "où la France à un rôle clé à jouer en poursuivant l'innovation et les investissements pour couvrir les étapes clés de collecte, de tri et de traitement des fibres synthétiques et naturelles".

Laurent Thoumine, directeur exécutif d'Accenture France et Benelux, plaide enfin pour afficher en magasins "les externalités négatives, sociales ou environnementales" d'un produit, pour accélérer la prise de conscience des consommateurs sur le fait qu'un t-shirt à deux euros n'a pas forcément le même impact qu'un produit plus cher mais de meilleure qualité.


Par Corentin Dautreppe, à Paris, le 19 janvier 2021 (AFP)

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