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Ces petits façonniers français de la Haute Couture qui refusent de mourir

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AFP
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10 déc. 2009

PORT-BRILLET (Mayenne), 10 déc 2009 (AFP) - "On est les derniers des Mohicans. Si on meurt, le savoir-faire français dans la maille de luxe disparaît", lance Hervé Coulombel, façonnier qui fournit de grandes marques comme Chanel, Hermès, Nina Ricci ou encore Dior.


"Si on meurt, le savoir-faire français
dans la maille de luxe disparaît"

Son entreprise, Maille Création, fait partie avec une centaine d'autres PME, des derniers façonniers et artisans travaillant pour la haute couture en France, comme le fut World Tricot, ancien sous-traitant de Chanel aujourd'hui en procès contre la maison de luxe.

Maille Tricot est "la seule en France à créer une maille de si haute qualité. On part d'un fil. On le tricote pour fabriquer un tissu. On fait des propositions sur un thème fixé par le client", raconte Hervé Coulombel.

L'entrée de son usine de quelque 80 salariés, installée dans une zone artisanale du village de Port-Brillet, près de Laval (Mayenne), ressemble à un musée Chanel, avec quatre somptueuses robes de la griffe pour accueillir le visiteur.

A l'intérieur, des machines de haute technicité et des ouvriers ultra-spécialisés contrôlent la confection du tissu, assemblent des pièces plus fines les unes que les autres, parfois à la loupe.

Sur des machines rondes à picots, des "remailleuses" accrochent maille par maille une pièce de tissu pour l'assembler à une autre afin d'éviter toute couture apparente. "Du travail d'orfèvre", commente M. Coulombel.

"On n'est pas des petites mains. On ne parle jamais de nous car c'est un milieu très secret mais on fait des miracles", souligne une technicienne qui préfère, comme beaucoup dans la profession, conserver l'anonymat.

Car le secret prime dans ce milieu où chacun doit rester à sa place. Commande ou modification de dernière minute de certains stylistes, prix toujours plus bas pour d'autres: "à l'exception de certaines marques comme Chanel ou Hermes, j'ai vu parfois des relations de maître à esclave", déplore Clarisse Perotti-Reille, qui pilote le plan annoncé récemment par le gouvernement pour "sauver la façon française".

Payés au salaire minimum ou guère plus, ces techniciens passionnés s'y résignent par "amour du travail bien fait". "Quand on voit une pièce qu'on a faite dans le journal ou à la télé, on est super fier", témoigne une ouvrière.

Une fierté partagée par les "mécaniciennes" d'Atelier Styl' Couture, une PME d'une quarantaine de femmes, installée non loin de là, à Saint-Berthevin, et spécialisée dans les tissus de luxe.

"Mais il ne faut pas se leurrer. On est en voie de disparition. Certaines marques ont construit des usines à l'étranger et ont transmis le savoir-faire français", s'insurge l'une d'elles, pointant les "délocalisations en masse". Comme beaucoup d'autres, elle ne croit pas "aux bonnes paroles" du gouvernement.

"Les choses bougent. Certains ont réalisé que les façonniers étaient en danger de mort et que leur image de marque allaient en souffrir", assure pourtant Mme Perotti-Reille. Car il en va, selon elle, du maintien du leadership de la France dans la mode avec une part de marché estimée à 34% contre 20% pour l'Italie et 14% pour les Etats-Unis.

Elle s'insurge aussi contre le "faux-problème" du coût de la façon française "qui ne représente que 5 et 10% en moyenne du prix de vente".

"Si les marques moyenne ou haut de gamme donnaient ne serait-ce que 10% de leurs collections aux entreprises françaises, on les sauverait et on créerait des emplois", plaide aussi Isabelle de Maistre, chargée d'épauler Mme Reille.

La jeune patronne d'Atelier Styl' Couture, Cécile Kosmalski, veut y croire: "On ne peut pas laisser le patrimoine français disparaître".Par Ingrid BAZINET

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