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14 avr. 2023
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Chargeurs PCC mise sur l'innovation pour réduire son impact énergétique

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14 avr. 2023

Quelques jours après avoir annoncé un chiffre d’affaires stable malgré un exercice 2022 chahuté par l'inflation et la crise énergétique, le groupe français Chargeurs était présent sur le salon Made in France Première Vision (qui s'est tenu les 29 et 30 mars au Carreau du Temple à Paris, ndlr). L'occasion pour la division Chargeurs PCC de présenter notamment son entoilage tricoté "Lainière Paris" et sa gamme d’entoilage teint "ZeroWater". L’occasion pour Gianluca Tanzi, directeur général de la division PCC Fashion Technologies et président de Chargeurs Luxury Materials, d’évoquer la stratégie du groupe face au renchérissement des coûts de l’énergie et d’aborder la tendance mondiale à la relocalisation des productions.


Gianluca Tanzi - Chargeurs PCC Fashion Technologies


Chargeurs PCC fournit en matériaux textiles quelque 1.600 marques. Une liste où les géants du luxe se mêlent aux acteurs de la fast-fashion et de l’habillement, ou encore aux spécialistes du denim, du sportswear et de l’outdoor. L’entreprise revendique une production de 350 millions de mètres d’entoilage chaque année. 

En juillet 2022, le groupe annonçait sa réorganisation en trois divisions: Technologie, Luxe et Diversification. A la tête des activités textiles du groupe depuis octobre 2021, Gianluca Tanzi est aujourd’hui CEO de Chargeurs PCC Fashion Technologies, émanation du pôle Technologie. Fonction depuis laquelle il n’a pu que constater en 2022 un basculement dans une nouvelle réalité pour le secteur.

“La crise énergétique a beaucoup impacté nos coûts de production, et nous avons en conséquence augmenté nos prix, car il devenait impossible de ne pas en passer par là”, explique depuis New York le dirigeant à FashionNetwork.com, joint par téléphone. “Nous n’avons plus passé de commandes d’énergies à partir de l’été 2022, car les coûts projetés devenaient massifs, avec certains montants multipliés par deux ou trois."
 
Mais chaque crise apporte aussi des opportunités, souligne le dirigeant, qui pointe que de nombreux investissements vont être menés pour moderniser l’usine Chargeurs PCC de Péronne, dans la Somme. Structure dont l’histoire remonte à 1903, le site "Lainière de Picardie" va voir ses 47.000 mètres carrés proposer d'ici un an un dispositif de finition à même d’économiser 50%-55 % des coûts énergétiques, indique Gianluca Tanzi. Il vante la technologie de trame insérée produite sur place, permettant de renforcer les pièces d'extérieur légères via une toile encore plus légère, mais plus résistante. “C’est un matériel idéal pour les créations les plus folles, et notamment l’univers de la haute couture”, pointe le dirigeant.


Une nouvelle génération de métiers à tissage



Chargeurs PCC table aussi sur la réduction de ses dépenses énergétiques via son offre "ZeroWater". “Pour colorer nos entoilages, notre procédé nous permet de ne pas avoir recours à une teinture, qui est l’une des étapes de transformation les plus gourmandes en énergie”, explique Gianluca Tanzi. Pour qui cette réalité de la finition implique de repenser l’ensemble de l’outil industriel. “Cela passera par une nouvelle technologie que nous avons développée ces dix derniers mois avec des fabricants de machine. Et cela amènera une consommation énergétique plus réduite.”


L'usine "Lainière de Picardie' - Chargeurs PCC


Une seconde étape du plan énergétique devra attendre l’an prochain, du fait d'un retard touchant les fabricants de machines, et notamment la production de métiers à tisser. Car Chargeurs PCC entend basculer l’ensemble de ses métiers vers une nouvelle génération, plus efficace, plus rapide et moins gourmande en énergie.

“C’est un processus qui prendra au moins cinq ans car, si les commandes de machines sont passées, il faut quatorze mois en temps normal pour les recevoir. Et la difficulté d’accès actuelle aux composants et cartes mères ralentit ce processus”, confie Gianluca Tanzi. Il ne voit pas l’énergie revenir un jour aux prix pratiqués avant-crise. “C’est donc via nos adaptations que nous voulons revenir à des coûts similaires à ceux que nous déboursions avant le choc énergétique.”


Rapprocher les productions des donneurs d’ordres



Cette stratégie énergétique de la division Chargeurs PCC se fait sur fond d’une évolution globale du textile-habillement. Domaine qui a connu la crise du fret, la fermeture de la Chine et les perturbations des chaînes d’approvisionnement. Autant de signes que des solutions alternatives s’imposent.  


Entoilage "ZeroWater" teint sans eau, et ultra-léger, pour être associé aux matériaux utilisés par les maisons de luxe - Chargeurs


“Les clients commencent à réaliser qu’on ne peut pas acheter à la fois de tout et partout, que cela ne fonctionne plus”, résume le dirigeant de la division. “Les Américains commencent à intégrer que tout acheter en Asie et faire venir aux Etats-Unis amène de nombreux problèmes. L’an dernier, les ports étaient bloqués. Et ils ont dû payer le prix fort pour accéder à leurs commandes. Cela fait que nous vivons donc un grand moment de “reshoring” (relocalisation, ou tout du moins rapprochement des productions, ndlr)”.

Gianluca Tanzi cite ainsi le cas de l’Europe, qui se tourne plus que jamais vers l’Europe de l’Est, la Turquie ou l’Afrique du Nord. “Après guerre, ce qui j’espère viendra le plus tôt possible, je pense que l’Ukraine sera un pays très stratégique pour notre industrie”, glisse même le dirigeant. Il souligne en parallèle l’importance du maillage des productions Chargeurs PCC. “Nous avons des usines en Chine, au Bangladesh, au Sri Lanka, en France, en Argentine et au Brésil”, indique-t-il. “Donc une façon de continuer à répondre aux besoins de nos clients était de pouvoir proposer une solution locale, afin de faire baisser les coûts de transport et les risques de production, qui se réduisent mathématiquement avec la distance”.

Une logique d’optimisation économique qui vient apporter un nouvel argument en faveur des stratégies environnementales. Domaine où Chargeurs avait pris les devants, lançant au milieu de la décennie précédente son label "Native" de laine premium, durable et traçable. Une activité que Chargeurs PCC associe désormais aux duvets "Thindown", afin de proposer des rembourrages composés pour moitié de duvet recyclé et de laine responsable, posés en alternative aux rembourrages en polyester.
 
Des ambitions écoresponsables qui, côté marques, se heurtent néanmoins à la réalité économique actuelle. “Les marques avec lesquelles nous travaillons ont dû faire beaucoup de déstockage, car les ventes n’ont pas été à la hauteur de ce qu’elles espéraient”, confirme Gianluca Tanzi. Le dirigeant pointe que, face à ces difficultés, le groupe a pris le parti de diversifier ses typologies de clients afin de réduire les risques.

“Il y a une polarisation évidente entre le marché du luxe et celui du mass market”, note d’ailleurs le dirigeant. “Le marché du milieu de gamme est de plus en plus pris en étau et se réduit. La tendance n’est pas nouvelle, nous le voyons depuis dix-quinze ans, mais elle s’intensifie”, notre le responsable du groupe.

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