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19 avr. 2012
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Chinois à Paris: comment les séduire

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19 avr. 2012

Rien d’étonnant aujourd’hui à croiser dans Paris des groupes de Chinois, sacs de marques de luxe au bras. Depuis les premiers visas délivrés fin 2004, le nombre de ces visiteurs explose. En 2012, plus d’un million de touristes chinois devraient atterrir en France ; sans compter ceux arrivant d’autres destinations européennes. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter: différentes études tablent sur 4 millions de Chinois découvrant l’Hexagone en 2020. La plupart d'entre eux voyagent en groupe et sont issus de la classe moyenne émergente (69% gagnent moins de 1200 euros par mois selon l’organisme chinois Ivy Alliance). Et la capitale reste la destination incontournable.


Des clients font la queue devant l'entrée d'une boutique Chanel à Paris, le 23 janvier 2012. Photo Martin Bureau / AFP/Archives


"La grande majorité occupe des hôtels en dehors de Paris, précise Thomas Deschamps, responsable de la statistique à l’office du tourisme de Paris. Leur voyage marathon en Europe se termine ici par le tour des poncifs de Paris et pour réaliser les achats dans ce qu’ils considèrent comme la capitale du shopping. Leur budget moyen est de 140 euros par jour avec l’hébergement, les visites, le transport et le shopping. C’est plus que les Américains, avec 130 euros, mais moins que les 153 euros des Brésiliens".

Sauf que, pour le Chinois, le budget shopping est majeur. "Ils rognent sur le logement et les repas. Je me souviens d’un couple avec une petite fille qui s’était acheté un sac Chanel pour madame et une montre de luxe pour monsieur, explique Nathalie Omori consultante dans le luxe, spécialiste de la clientèle chinoise. Pour eux, c’est l’opportunité d’acheter des souvenirs et des présents de marques de luxe parfois 50% moins chers que dans leur pays".

Aussi, pour les acteurs parisiens, l’enjeu majeur est de capter cette clientèle. Et ce, dès son arrivée à Paris. "Nous avons recruté une force de vente qui maîtrise le mandarin et la culture chinoise. Ces équipes sont mobilisées aux heures auxquelles arrivent et partent les vols chinois, explique Sandrine Mercier, directrice marketing de Buy Paris Duty Free. L’agencement des boutiques est aussi organisé pour mettre en avant les produits dont sont friands ces clients".

Et ce que les Chinois recherchent en priorité, ce sont les marques de luxe. "Pour qu’une marque soit plébiscitée, il faut qu’elle émerge sur le marché chinois, explique Laurence Corteggiani, directrice marketing de Value Retail pour le centre oulet La Vallée Village qui, sur ses 5,7 millions de visiteurs annuels, revendique 50% d’étrangers, au premier rang desquels les Chinois. Les marques favorites sont Burberry, Ferragamo, Longchamp, Givenchy, Dunhill, Versace, Samsonite ou, plus étonnant, Dsquared".


A La Vallée Village, les Chinois représentent la première clientèle internationale. Photo La Vallée Village

Si la Vallée Village capte une part des visiteurs, selon Global Blue, spécialiste de la détaxe (tickets au-delà de 175 euros), 75% de l’activité de détaxe se déroule sur Paris où 95% des achats détaxés sont réalisés Rive droite avec un ticket moyen de 1470 euros. Forcément, les caisses centralisées des grands magasins du boulevard Haussmann attirent une clientèle chinoise très au fait de ces pratiques. Et les bâtiments se prêtent plus au shopping de groupe que les trottoirs parfois étroits du Faubourg et de la rue Saint-Honoré.

"La clientèle internationale représente 30% du chiffre d’affaires et les Chinois sont la première clientèle devant les autres marchés asiatiques, le Moyen-Orient, la Russie et l’Amérique du Sud, note Pierre Pelarrey, qui dirige le vaisseau amiral du Printemps. Cette relation dure depuis plus de 20 ans. Nous étions parmi les premiers à accepter la carte China Union Pay et recevoir une délégation chinoise. Auparavant, cette typologie de clients était présente lors d'événements comme le nouvel an chinois, pour lequel nous organisons toujours des animations. A présent on assiste à un flux régulier toute l’année".


Célébration du Nouvel an chinois au Printemps Haussmann. Photo Printemps


Ainsi, aux Galeries Lafayette comme au Printemps, on a misé sur cette clientèle friande des grandes marques de luxe françaises. En plus des hôtesses d’accueil d’origine chinoise, des prospectus en mandarin, des annonces vocales en chinois et des services, les griffes présentes au rez-de-chaussée des grands magasins comptent un vendeur maîtrisant la langue et la culture d’achat chinoises. Les grands magasins ont d’ailleurs organisé leur offre en conséquence. "Nous avons un accès où arrivent ces clients. Les flux sont différents selon les clientèles. Pour les Asiatiques, le shopping est souvent l’objectif numéro 1 du voyage, précise Laurent Schenten, directeur de la division clientèle internationale au Printemps. Il y a encore le principe de la liste de présents pour eux et leur entourage. Nous leur faisons gagner du temps en mettant en avant les marques les plus recherchées. Nous référençons aussi des marques qui parlent à cette clientèle".

Attirer les touristes

Aux Galeries Lafayette, où l’on prépare aussi l’ouverture d’un grand magasin à Pékin en 2013, le poids de l’international est encore plus important. Philippe Houzé, patron du groupe, annonçait d’ailleurs récemment que la clientèle internationale pesait pour 50% du chiffre d’affaires du grand magasin, le magazine Challenges estimant même ce poids à près 75%. Les Chinois sont là aussi les premiers clients et l’activité se porte sur les niveaux dédiés aux accessoires.

Mais, quelle que soit la destination, tout l’objectif reste de devenir un pôle d’attraction. Et à ce jeu chaque enseigne joue ses propres cartes. "Il s’agit d’une clientèle très sensible au bon achat au meilleur prix. Value Retail a une présence directe en Chine auprès de la presse, des professionnels du tourisme et sur le web chinois afin que la clientèle soit informée lorsqu’elle prépare son voyage, précise Bérangère Gulmann, directrice commerciale senior du site de Value Retail. Nous avons une équipe marketing de trois personnes qui délivre des informations aux tours-opérateurs et organise des tournées commerciales pour que ceux-ci prennent connaissance de l’offre en amont".

Car la clé de voûte du système reste la relation avec les guides. Ils orientent leurs groupes dans les commerces où, tout à fait légalement, ils perçoivent une commission. Celle-ci bat certainement des records dans certaines boutiques de souvenirs tenues par la diaspora. Mais avec l’afflux de touristes, de l’avis général, la tendance est à la baisse. "Elle dépassait auparavant les 15%, 10% pour le guide et 5% pour le tour-opérateur, estime Nathalie Omori. Mais, depuis quelques saisons, celle-ci a tendance à chuter. Elle ne dépasserait plus les 10%".

Face à l’afflux de touristes chinois, l’intérêt des commerces pourrait donc s’étioler. D’autant qu’il se murmure que Parisiens et touristes européens évitent à présent les allées fréquentées par les groupes de voyageurs. Aussi les acteurs du commerce établissent des stratégies afin de séduire le nombre grandissant des fortunés voyageurs individuels chinois. Nous vous en parlerons demain.

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