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23 mars 2016
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Coton : bientôt une plainte de l’Afrique de l’Ouest devant l’OMC ?

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23 mars 2016

Ce mois de mars se tenait à Paris le Forum Coton 2016. L’occasion pour Max Havelaar d’appeler l’Union européenne, le G7 et les gouvernements de l’ouest africain à apporter leur soutien aux chaînes d’approvisionnement équitables et durables du coton, durement éprouvées sur les dernières saisons. Dominique Royet, directrice générale de Max Havelaar France, et Sergi Corbalan, directeur général de Fair Trade Advocacy Office (FTAO), confient leurs attentes à FashionMag.

AFP


FashionMag : Plusieurs grandes marques communiquent sur la part grandissante du coton bio dans leur collection, quand, dans le même temps, la filière bio-équitable connaît une érosion de ses ventes. Que vous inspire ce décalage ?

Dominique Royet : Cela donne envie de crier. Je pense que quelque part nous n’avons peut-être pas bien expliqué les choses aux marques en question. Que des marques s’engagent sur du bio, c’est vraiment très bien. C’est quand même une belle première étape pour garantir qu’il n’y aura pas tous les problèmes entourant les pesticides et OGM. Ce qui est très important pour la santé des producteurs, même si cela ne garantit rien au niveau financier pour eux. Certes, le coton bio est plus cher du fait de la forte demande, ce qui doit permettre aux producteurs de s’y retrouver dans les ventes. Mais nous avons également un devoir de communiquer ce qu'il se passe au niveau économique. Des marques comme H&M et C&A s’engagent sur des pourcentages croissants de coton bio dans les collections. Ce sont des démarches intéressantes, mais ce n’est pas du coton équitable. C’est difficile pour nous de soutenir les effets d’annonce. De dire cela et, après, sur 90 % du reste des collections, de ne pas tenir compte des conditions d’achat. Notamment auprès des consommateurs : difficile d’expliquer que le bio ne résout pas tous les problèmes.

FM : La Chine par ses stocks et les Etats-Unis par leurs subventions maintiennent les prix du coton vers le bas. Comment y remédier ?

Sergi Corbalan : Nous avons développé un document formulant des revendications politiques. Le point de départ est que, avant de parler des conditions de travail des producteurs de coton, nous devons parler d’un marché international totalement inéquitable. Les petits producteurs d’Afrique de l’Ouest sont perdants avant même d’avoir commencé à produire. C’est la base. Et ces pays ont beaucoup poussé auprès de l’OMC pour faire avancer le dossier sur le terrain politique. Le Brésil a pris une autre approche et porté plainte contre les Etats-Unis, et obtenu une compensation très importante investie dans la filière du coton. Le sommet de l’OMC à Nairobi fin 2015 n’a cependant rien apporté sur le sujet. De plus, comme l’OMC devient moins importante dans ces négociations avec l’émergence de recours alternatifs, la force relative des pays du C4 (Burkina Faso, Bénin, Mali et Tchad) pour faire disparaître ces subventions inéquitables diminue. Dans ce cadre-là, les gouvernements du C4 songent très sérieusement maintenant à traduire une plainte auprès de l’OMC comme l’a fait le Brésil. Il me semble que ce n’est pas l’idéal, car peu diplomatique. Mais c’est une solution qui peut être intéressante pour politiquement trouver une solution. Et les compensations qui pourraient venir d’Amérique, d’Europe et de Chine pourraient servir à renforcer la filière des petits producteurs.

DR : On parle des stocks chinois, mais l’un des principaux problèmes, ce sont les subventions distribuées notamment au coton américain, et qui tirent les cours vers le bas. Les coûts de production les moins importants sont ceux d’Afrique de l’Ouest. Sauf que, du fait des subventions américaines, le prix du coton chute, et le prix du coton américain se retrouve plus bas que celui d’Afrique de l’Ouest. Evidemment, c’est en contradiction avec les règles de l’OMC.

FM : Comment stimuler le secteur privé, sur ces questions ?

SC : On vient d’adopter des objectifs de développement durable. Nous, nous voyons le coton comme l’exemple clair pour voir si l’on est sérieux ou non sur la question. Le coton encapsule toutes les injustices du système commercial. C’est un exemple clair. La solution n’est pas si compliquée que cela. Elle ne demande que le courage du gouvernement pour appliquer les changements nécessaires. Et là, nous verrons si les engagements de la COP 21 sont sérieux ou si c’était simplement de la communication. Mais il faut aussi encourager les acteurs privés. Si les Etats incitent ces derniers, il n’y a hélas rien de contraignant. L’ONU et les Etats membres doivent responsabiliser les acteurs privés jusque dans la pratique de leur activité. Car beaucoup s’engagent, mais dans les faits ne regardent toujours que le prix et le court terme.

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