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23 avr. 2023
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David Dayan (ShowroomPrivé): "Notre croissance est portée par les leviers que nous avons mis en place"

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23 avr. 2023

Après avoir connu un recul sur l'exercice 2022, le portail tricolore vient d'annoncer une croissance de 17% du volume d'affaires au premier trimestre 2023. A cette occasion, son PDG David Dayan revient pour FashionNetwork.com sur la stratégie mise en place pour inscrire croissance et rentabilité dans la durée. Un stratégie qui passe notamment par la "premiumisation" de l'offre, un ménage opéré au sein de sa marketplace...et pourquoi le développement de nouvelles marques propres.


David Dayan - ShowroomPrivé



FashionNetwork.com : Que retirez-vous de ce début d’exercice?


David Dayan: Nous avons eu un bon trimestre, preuve que ce que nous avons mis en place fonctionne, et que notre stratégie s’avère payante. C’est notre troisième trimestre d'affilée en croissance. Celle-ci est portée par des leviers que nous avons mis en place, dont la premiumisation, pour une offre plus belle et de meilleure qualité, avec des marques plus désirables. Nous avons désormais 70% de notre offre qui est dans ce que nous appelons la catégorie "gold/platinum". Ce ne sont pas des marques de luxe, mais des marques très désirables comme Levi’s, Nike, Aubade, Faguo, Lacoste, Vanessa Bruno… Nous avons voulu premiumiser l’offre et avoir un portail plus qualitatif et joli, et cela paye. Cela fait progresser le panier moyen. Il y a derrière cela une stratégie de mise en place de relais de croissance.

FNW: Quels relais de croissance?

DD: Au-delà de la vente événementielle, l’idée était de se dire qu’il y avait beaucoup de choses à faire, comme la marketplace, qui est aujourd’hui un moteur du groupe. Elle permet d’avoir une offre plus récente et plus régulière, pour, au final, avoir d’un côté une offre d’opportunité, et, de l’autre, une offre permanente pour la compléter. Ce qui a fonctionné également, ce sont les services mis en place, qui permettent aux marques de profiter de nos données, de notre trafic et de notre audience. Audience qui est assez qualifiée, avec des femmes qui aiment la mode et le digital. Nous envoyons du trafic vers le site ou les magasins des marques.

FNW : Quid du développement des marchés étrangers?

DD: L’international, nous l’avions un petit peu négligé ces dernières années. Nous avons activé ce levier, et maintenant cette activité accélère très fort, grâce à l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Belgique. L’offre de Showroomprivé, très attractive pour les Français, il fallait la redéployer à l’international. Nous avons donc repris la parole d’un point de vue marketing. Et nous constatons que les Européens aiment les marques françaises, mais pas que. Il y a une aspiration aux marques internationales et aux bons prix. Et, dans le contexte que l’on connaît, nous voyons que l’international progresse plus rapidement que l’activité française.

FNW : Un an après la reprise de The Bradery, qu’en retirez-vous?

DD : Cela va dans le bon sens, les résultats confirment que cela a été une bonne acquisition. Les ventes ont progressé de 33% sur ce trimestre, ce qui montre bien qu’il y a un fort potentiel chez les millennials. Ils sont une cible stratégique pour nous mais aussi pour les marques. Cela nous permet une belle croissance de The Bradery qui vient s'ajouter à la nôtre, et nous ramène une offre assez diversifiée et variée.


L'espace premium "Le Village" de ShowroomPrivé


FNW : Comment ces éléments s’inscrivent dans la feuille de route que vous avez récemment dévoilée?

DD : Notre objectif est de continuer à être rentable. Nous avons donc une feuille de route appelée ACE, pour adapter, consolider et étendre. Adapter consiste notamment, en écoutant le marché, à répondre à une demande de belles marques, de produits entre guillemets "responsables", et des prix répondant aux enjeux du pouvoir d’achat. L’offre de services et de collections permanentes s’inscrit dans cette adaptation.

Consolider, c’est partir du principe qu’après 16 ans d’existence, nous avons 26 millions de membres et 3.500 marques partenaires. Et de là mieux travailler nos opérations, notre rentabilité et notre service client, mais aussi notre capacité à gérer les gros flux de produits.

Et étendre, cela passe tous les relais de croissance que j’ai évoqués.
Pour l’instant, ce n’est qu’une feuille de route, sur laquelle nous aurons plus d’informations à donner plus tard. Nous avons pour cela un comité exécutif renforcé depuis le départ de Thierry Petit (ex-CEO et cofondateur du site, ndlr). L’idée est que cette équipe définisse la nouvelle ambition de Showroomprivé, qui tourne autour de l’idée de "shopping plaisir" au-delà des achats essentiels.


FNW : Cela passe nécessairement par un élargissement de l’offre?

DD : La diversification de l’offre prend tout sens avec la marketplace et la premiumisation. Ce sont des attentes des consommateurs. Une marketplace permet d'agréger nombre de vendeurs et de produits d’actualité. Le showroom "Le Village", que nous avons lancé l’an dernier, a en cela un rôle intéressant, car il permet aux marques premium de s’exprimer chez nous dans un univers assez protégé, où elles installent leurs codes graphiques, expédient elles-mêmes leur produits, tandis que nous amenons notre trafic. Cela occasionne une offre qui se muscle. Quand les gens aiment bien une plateforme, ils aiment bien tout y trouver, avec des services faciles et une livraison rapide. Car nous sommes passés d’un modèle de déstockage, où l’on livrait en trois semaines à un mois, à un modèle où, maintenant, 40% de nos commandes sont livrées en dropshipping (commandes expédiées par la marque elle-même, ndlr) ou en moins de cinq jours.

FNW : Zalando, leader européen de la mode en ligne, prend le chemin inverse en voulant réduire l’offre. Qu’est-ce que cela dit de l’évolution de ce marché?

DD : Zalando est un vendeur de collections en cours, et a donc potentiellement toutes les marques en catalogue. Ce n’est pas notre cas. Nous sommes là pour déstocker et être partenaire des marques. En outre, Zalando a un rôle de donneur d'ordres, demandant apparemment à certaines marques de répondre à un certain nombre de critères, notamment écoresponsables. Nous, nous récupérons des marques ayant des invendus. Comme on ne produit pas, et que nous arrivons dans un second temps, le choix est de savoir si nous acceptons ou non tel ou tel stock de marque.

Cependant, nous aussi nous allons vers un tri de l’offre. Zalando va garder les grandes marques, et s’éloigner de marques moins connues, plus lointaines, à l’offre moins claire. Mais Showroomprivé a également beaucoup réduit son offre mode. Nous avons arrêté énormément de marques «B», anonymes, qu’on a supprimées de notre catalogue. Notamment sur la marketplace, que l’on a un peu trop ouverte au début. Nous avons arrêté de travailler avec beaucoup de vendeurs qui n’étaient pas de bonne qualité. Tandis que, en parallèle, pour être sincère, notre activité avait pris du retard sur l’offre premium.



Collection IRL


FNW : Dans cette réorganisation de l’offre, la mode féminine est-elle amenée à rester au cœur de l’ADN de Showroomprivé?

DD : Sur les 22 millions de membres, il y a 75% de femmes. Et la mode et le prêt-à-porter sont dans notre ADN. Ce sont aussi les secteurs qui ont le plus d’invendus. C’est donc assez naturel d’avoir du volume là-dedans. La mode représente aujourd’hui 55% de l’activité de Showroomprivé. Mais à côté de cela, nous développons des activités qui plaisent aussi à d’autres publics. Même si l’on a envie d’avoir plus d'hommes sur le site, nous y allons pas à pas via l’élargissement de l’offre.

L’activité maison est par exemple devenue importante, avec 20-25% de notre chiffre. C’est un marché qui connaît un contrecoup, car les Français se sont beaucoup équipés durant le Covid-19. L’activité beauté se développe. Et le sport-lifestyle fonctionne particulièrement bien en ce moment. Sans oublier que la mode a de l’avenir devant elle: on me parle régulièrement des marques qui disparaissent. Mais ce sont généralement des marques qui n’ont pas pu investir dans leur outil logistique, e-commerce ou marketing, car gérées par des fonds qui les poussaient peut-être à être trop court-termistes. Mais, à côté, on voit des Inditex, Lacoste ou Ba&sh qui affichent de grosses croissances.  


FNW : Vous avez une marque propre de mode féminine, IRL. Quels sont vos projets la concernant?

DD : L’objectif d’IRL était d’avoir une offre propre en complémentarité d’une offre "opportuniste". La marque fait aujourd’hui environ 10 millions d’euros de chiffre d’affaires chez nous, ce qui prouve qu’il y a de la place pour cette offre supplémentaire. Nos visiteurs en quête de bonnes affaires ou de produits précis ont aussi l’envie de trouver des produits plus actuels. C’est en cela que l’offre dite de "permanents" a du sens. Cette approche de marque propre, nous aimerions donc la développer, nous réfléchissons à aller vers d'autres catégories comme la lingerie. Mais ça ne sera jamais une énorme partie de notre activité. Néanmoins, si cela apporte un complément pertinent, on le fera. Même si c’est un métier que nous connaissons moins, tous nos tests ont fonctionné.

FNW : Comment vous projetez-vous dans la suite de l’exercice 2023, placé sous le signe de l’inflation?

DD : Nous voyons une tension sur le pouvoir d’achat des Français et une attention particulière accordée au prix. Dans les magasins de nos marques partenaires, le trafic a baissé, les achats se sont réduits. Nous, nous pensons dans ce contexte être un bon partenaire pour les marques, en apportant de la visibilité à l’offre, et en permettant rapidement des gros volumes de stocks, ce qui est notre métier premier. Nous voyons dernièrement que nous recrutons beaucoup de nouveaux membres et clients, car notre offre coche les cases d’une aspiration aux petits plaisirs dans une période de crise. Les gens se confortent auprès de marques statutaires dans les périodes de crise, mais aussi de marques porteuses de valeurs, notamment écoresponsables. Nous sentons donc une activité bien orientée pour nous, même si, pour être sincère, cela reste difficile de faire des projections pour les mois à venir. Nous restons prudents. 

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