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Deux tiers des entreprises de mode veulent réduire leur approvisionnement en Asie

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19 nov. 2021

Selon une récente étude de l'Institut français de la mode, 58% des marques et enseignes du secteur se préparent à augmenter leurs prix de vente (lire notre article dédié). Une volonté de préservation des marges qui se traduit également dans la politique d'approvisionnement des acteurs textiles. Réduction des volumes, accroissement des commandes à court terme en Europe et sur la zone Euromed… FashionNetwork se penche sur les chiffres de l'organisme d'analyse économique du secteur de la mode.


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"On voit clairement dans les chiffres qu’il se joue quelque chose de très favorable à un mouvement de proximité", nous explique Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique de l'IFM, "là où la stabilité de l'approvisionnement venant d'Asie primait précédemment".

La rupture est éloquente: en 2022, 68% des donneurs d'ordres du textile-habillement veulent réduire leurs commandes asiatiques (hors Chine), et 61% en comptant l'empire du Milieu. S'ajoute à ceux-ci un tiers de la centaine de marques et distributeurs interrogés qui veut stabiliser ses commandes orientales, laissant anecdotique le nombre d'acteurs désirant l'augmenter.

Parallèlement, 50% des répondants indiquent vouloir renforcer leurs commandes dans les pays méditerranéens (Turquie, Maroc, Tunisie…), et plus 40% souhaitent les y maintenir. Ils sont en outre 58% à vouloir doper les commandes dans les pays d'Europe de l'Est et de l'Ouest, et 40% à vouloir les y maintenir.

Quid du Made in France? Il semble que les capacités de production et tarifs freinent la possibilité de profiter de ce mouvement: 33% des répondants veulent renforcer leurs commandes dans l'Hexagone, contre 67% désirant les stabiliser. La bonne nouvelle est qu'aucun d'entre eux ne souhaite réduire ses passages d'ordres tricolores.

Ces transformations des orientations géographiques du textile-habillement s'inscrivent par ailleurs dans une tendance préexistante à la réduction des volumes de commandes. En 2017, hausse et stabilité des commandes l'emportaient, contre 10% d'acheteurs réduisant les volumes. En 2019, ils étaient 37% à vouloir réduire les volumes, soit autant que ceux souhaitant les stabiliser. Sans surprise, l'année 2020 a vu 64% des donneurs d'ordres réduire leurs commandes, contre 31% les stabiliser et 5% les renforcer.

L'année 2021 marque un certain retour à la normale, mais perpétue la tendance croissante aux réductions de volumes. Ainsi, 40% des marques et enseignes auraient cette année coupé dans les volumes des ventes. En face, 30% des répondants affichent des niveaux stables et 30% les ont augmentés par rapport à l'année précédente, par un logique effet de retour post-crise.

Le sourcing à moyen terme passe devant le long terme



Quid de 2022? Pour répondre à cette question, l'IFM s'est penché sur les intentions de sourcing, entre commandes de court terme (passées en cours de saison), moyen terme (à partir de 6 mois avant le début de saison) et long terme (plus de 6 mois avant le début de saison). Trois typologies de commandes intrinsèquement liées aux lieux de production.


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Entre 2019 et 2021, il ressort que la part des commandes à long terme a chuté de 47 à 40%. Les commandes à court terme ont dans le même temps affiché un niveau stable à 18%. Reste le moyen terme, qui ne représentait que 35% des commandes avant-crise, mais pèse désormais 42% des volumes. Chose rare, il y a eu cette année plus de commandes à moyen terme que de commandes à long terme.

En 2022, les donneurs d'ordres sont 74% à vouloir stabiliser le long terme, et 16% le réduire. Ils sont également 68% à souhaiter stabiliser le moyen terme, et 21% le réduire. Pour le court terme, ils ne sont pas moins de 33% à déclarer vouloir doper les commandes, auxquels s'ajoutent 63% voulant les stabiliser. 

"Le court terme ne peut pas être majoritaire, car cela reste du réassort, et c'est toujours compliqué d'en faire en grandes quantités", nous explique Gildas Minvielle. "Le long terme est lui moins cher mais pose des risques d'invendus contre lesquels les réseaux ont entrepris de lutter. Il ressort donc de ces chiffres que les distributeurs prennent désormais moins de risques, limitant le long terme en accroissant des stratégies de cycles plus courts". 

Une cartographie qui se redessine



L'Observatoire économique de l'IFM note par ailleurs que se poursuit une transformation de la répartition du sourcing international. Des évolutions qui ne sont pas nécessairement liées à la crise, comme l'illustre le cas du Cambodge, qui a récemment perdu les bénéfices du SGP (système généralisé de préférences commerciales) pour ses exportations vers l'Union européenne. Sixième fournisseur de l'UE en habillement en 2019, il se trouve relégué en neuvième position au premier semestre 2021. 


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"Cela fait que le Maroc et la Tunisie ont gagné une place, une situation impossible à anticiper voilà encore deux ans", pointe Gildas Minvielle. Il souligne par ailleurs les résultats affichés par la Turquie ou par des pays européens comme le Portugal. "On voit déjà se traduire dans les chiffres cette volonté de produire plus près, à moyen-court terme. Une tendance qu'est venue accentuer la flambée du prix du fret, qui rend plus coûteuse et approximative la livraison des commandes à long terme.

La tendance est également soutenue par l'explosion quasi généralisée du prix des matières premières. Le prix du pétrole, rappelle l'IFM, a bondi de 82% entre septembre 2020 et 2021. Un écueil de taille sur un marché mondial du textile-habillement qui reposait en 2019 à 52,2% sur le polyester (lire notre dossier "Matériaux: quelles évolutions durables dans les productions textiles?"). Son dauphin, le coton, a lui vu son prix croître de 47% en un an, tandis que la laine australienne affiche une hausse de 43%. Autant de surcoûts poussant les marques à trouver de nouvelles approches pour sauver leurs marges en limitant les transports et les stocks.
 

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