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Paul Kaplan
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12 sept. 2021
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Fashion Week de New York: Jason Wu, Coach, Brandon Maxwell et Rodarte

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Paul Kaplan
Publié le
12 sept. 2021

La pandémie — et son cortège de restrictions mises en place par les autorités américaines — empêche encore les journalistes européens de se rendre à New York pour la Fashion Week, marquée cette saison par les défilés physiques de dizaines de marques locales. Heureusement, Instagram, Zoom, Twitter et la plateforme étrangement erratique du CFDA permettent de découvrir la plupart des nouveautés de la scène mode américaine.


Jason Wu - Printemps-Été 2022 - Prêt-à-porter féminin - New York - Photo : PixelFormula


L'ombre du 20e anniversaire des terribles attentats du 11 septembre planait sur le weekend. Les attaques avaient eu lieu en plein milieu d'une semaine de la mode new-yorkaise, au lendemain d'un défilé de Marc Jacobs — qui avait d'ailleurs invité son public à une fête sur une jetée au bord de l'Hudson, avec vue imprenable sur les tours jumelles devant lesquelles il était de bon ton de poser pour une photo.

Jusqu'à présent, la saison new-yorkaise est empreinte de nostalgie optimiste et de glamour dynamique, avec un soupçon de spiritualisme. Focus sur quatre collections incontournables: celles de 3 designers indépendants et d'une grande maison.


Jason Wu : Impressionnisme décalé



Le temps passé en solitaire pendant la pandémie a manifestement été utile à Jason Wu, qui a dévoilé l'un de ses meilleurs défilés à ce jour, vendredi à l'heure du déjeuner.

Celui-ci a organisé son show dans une galerie du centre-ville, parsemée de plantes et de fleurs, autour desquelles ses mannequins déambulaient tranquillement. Une ambiance qui se prolongeait dans la collection, à l'image de ce magnifique trio de looks noirs et anthracites imprimés de fleurs, dont les détails étaient comme légèrement troublés: un costume composé d'un boléro et d'un cardigan, une robe voluptueuse et une robe fourreau.

Mais là où Jason Wu a vraiment fait preuve d'audace, c'est sur ses imprimés expressionnistes, abstraits et tie-dye, utilisés sur de grandes crinolines, ou sur de très belles robes courtes à découpes, qui laissaient voir des kilomètres de jambes, de même que cet ensemble composé d'un pull en cachemire lilas et d'une jupe brodée de sequins.

Comme si les personnages d'Autant en emporte le vent se trouvaient plongés dans la jungle urbaine contemporaine, la collection parvenait à être romantique sans perdre de son énergie. Une robe moderniste évoquant Vivien Leigh était ainsi déclinée en jaune canari ou en noir délavé. 

En collaborant avec la designer textile Cara Marie Piazza, réputées pour ses idées impressionnistes et décalées, Jason Wu a donné une autre dimension à la collection. Le créateur nous avait habitués à des collections plus convaincantes pour l'hiver que pour l'été — ses parkas sont des indispensables des mois particulièrement rigoureux de janvier et février à New York. Mais cette collection échappait à la règle ; il s'agit sans doute de la proposition printanière la plus mémorable que nous ait livrée Jason Wu à ce jour.


Coach - Printemps-Été 2022 - Prêt-à-porter féminin - New York - Photo : PixelFormula


Coach: Quand Bonnie Cashin fredonne "Buffalo Gals"



Rares sont les créateurs de mode capables de jeux de mots visuels aussi pointus que Stuart Vevers chez Coach.
 
Son dernier défilé pour la méga-marque était annoncé par une série d'émissions loufoques sur "Coach TV", disponibles sur Instagram, mettant en scène des personnages camp dans des couleurs rétro, effet téléviseur des années 1970.

Cette saison, Stuart Vevers propose une nouvelle version du sac Bonnie Cashin, du nom de la créatrice à l'origine de la maison, avec une sangle en cuir recyclé. Il y avait aussi un superbe sweatshirt en coton ample, sur lequel on pouvait lire "Coach Leatherware". La courte vidéo présentant ce look était accompagnée du facétieux slogan "Subverting American Classics Since 1941".

"Cette collection de printemps dévoile mon nouveau vocabulaire de la mode américaine. C'est aussi une célébration de l'optimisme coloré et insouciant de Bonnie Cashin", explique Stuart Vevers.
 
Une démarche qu'on sentait bien en découvrant les superbes parkas et imperméables à carreaux géants, ou en pied-de-poule — tous portés avec de petites brassières de sport, des bottes militaires et des shorts masculins en denim.

Le défilé était mixte. Les garçons portaient des parkas colorées à grandes poches, des sarouels à carreaux et des tee-shirts portant l'inscription "Super Grump".

Alors que de nombreux créateurs new-yorkais se sont retirés l'année dernière dans les Hamptons ou dans leur maison de campagne dans les Berkshires, ce qui est génial avec le britannique Stuart Vevers, c'est qu'en arrivant à New York, il s'est plongé à fond dans la culture de la ville. Il côtoie vraiment la faune locale, cela se voit dans ses collections, et surtout dans celle-ci. 

Dans l'une de ses petites vidéos sur Coach TV, on voit d'ailleurs quatre jeunes filles sortant d'une station de métro de la ligne n°1, sur l'air de "Buffalo Gals", un tube de son compatriote britannique, le regretté Malcolm McLaren.

En-dessous de l'image, on peut lire : "Real New Yorkers know the best way to get to where you need to go is the subway" (en VF "Les vrais New-Yorkais savent bien que le meilleur moyen d'arriver à destination est le métro"). Tout à fait exact.


Brandon Maxwell - Printemps-Été 2022 - Prêt-à-porter féminin - New York - Photo : PixelFormula


Brandon Maxwell : Comment faire une entrée fracassante, glamour et sportive



Gigi Hadid obtient toujours les meilleurs looks. Une vérité absolue qui se vérifiait une nouvelle fois vendredi soir, lors du défilé du maître américain du glamour traditionnel, Brandon Maxwell, au cours duquel la jeune maman portait un tailleur argenté.

Réalisé dans un imprimé nuageux, le tailleur-pantalon et la veste à épaulettes étaient, comment dire, impeccablement coupés. Le mannequin star assurait l'attitude, mains dans les poches et veste ouverte sur un soutien-gorge assorti, et faisait la démonstration de la dégaine à adopter pour s'assurer une entrée fracassante.

Les fan-clubs de Gigi Hadid sur Twitter et Instagram ont instantanément célébré l'événement en diffusant des vidéos d'elle revenant dans les coulisses du défilé au milieu d'acclamations prolongées.

Né au Texas — même si six ans après sa fondation, le caractère new-yorkais de sa maison n'est plus à prouver —, Brandon Maxwell a commencé sa carrière dans la mode en tant que styliste photo. Et les réflexes caractéristiques de son précédent métier apparaissaient clairement dans la collection.

À 36 ans, le designer aime que sa vision glamour soit servie telle quelle, sans trop de fioritures — de la longue robe hippie imprimée d'un soleil japonisant orange et violet, jusqu'à ses courtes robes à motifs zébrés. Mais ses idées les plus rafraîchissantes sont sans conteste les pièces plus psychédéliques, qui ajoutent une touche inattendue à l'ensemble.

En résumé, il s'agit d'une proposition élégante et intelligente de la part de Brandon Maxwell, mais on ne peut s'empêcher d'imaginer ce que donnerait son travail s'il contenait un peu plus de ses origines dans l'est du Texas et un peu moins du glamour citadin propre à la ville de New York.


Rodarte - Printemps-Été 2022 - Prêt-à-porter féminin - New York - Photo : PixelFormula

 

Rodarte: Bank Street en direct sur Amazon



Rodarte a diffusé son défilé — qui avait lieu samedi midi au 155 Bank Street — directement sur Amazon Live. Les mannequins arpentaient un jardin de sculptures du West Village, à seulement 20 pâtés de maisons au nord de l'endroit où se trouvaient autrefois les tours jumelles.
 
Il s'agissait de la collection la plus saisissante présentée jusqu'ici à New York, et de loin.
 
Les sœurs Kate et Laura Mulleavy, toutes deux installées à Los Angeles, coupent leurs vêtements avec exubérance, comme ces grandes blouses à épaules de super-héroïne en dentelle d'écolière de l'ère victorienne. 

Des robes magnifiquement froncées et drapées précédaient de longs caftans portés sur des pantalons assortis. Pour le soir, les deux fondatrices de Rodarte ont proposé des négligés en guipure semi-transparente dévoilant beaucoup de lingerie, déclinés en noir, en blanc immaculé et en rouge bordeaux. Pour les grandes occasions, de superbes blazers à imprimés floraux ou des manteaux brodés de sequins, couleur coucher de soleil.

Les tenues de star de cinéma en bandes pailletées avaient de quoi attirer l'attention, tout comme les robes d'inspiration chinoise recouvertes de fleurs acidulées, portées par des mannequins au regard charbonneux.

Tout n'était pas parfait — les chemises plissées avaient quelque chose d'anachronique — mais dans l'ensemble, c'était le défilé le plus intrigant de la saison américaine.

La subtilité du show trouvait une conclusion parfaite dans le finale. Les mannequins sont apparus comme des prêtresses, vêtus de robes fourreaux aux coupes pures, déclinées dans des tons écrus, vanille, roses et jaunes, un mince collier doré au cou, avant de se positionner sur des colonnes de béton. Une image forte en ce jour symbolique, 20 ans après les attentats qui ont fait près de 3.000 victimes.

Sur une bande-son solennelle jouant "Spa Hunter" de Dallas Acid, les deux sœurs ont salué avec précaution, vêtues d'un ensemble fleuri et d'une chemise western, après le moment de grâce qu'elles ont su offrir à leur public.

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