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20 juil. 2020
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Franck Mesnel (Eden Park): "Sans PGE, nous déposions le bilan"

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20 juil. 2020

Peu de marques françaises incarnent mieux le sportswear qu'Eden Park. Depuis plus de trente ans, la griffe parisienne fondée par Franck Mesnel et Eric Blanc, deux anciens internationaux français de rugby à XV, mixe les codes du ballon ovale avec une élégance d'inspiration britannique. Reconnaissable par son logo en forme de nœud papillon rose, la marque s'est forgée une place de choix dans le paysage du prêt-à-porter masculin français. Présente chez plus de 300 revendeurs mais aussi via des corners en grands magasins, 37 magasins en franchise et 22 succursales, Eden Park a réalisé l'an dernier 60 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont plus de 9 millions à l'export. Avec une telle empreinte, le premier semestre 2020 a nécessairement été, comme pour tout le secteur, un challenge. Franck Mesnel détaille pour FashionNetwork.com comment son entreprise a traversé cette épreuve et comment il envisage les défis à venir.


Franck Mesnel - Fred Goudon- Eden Park



FashionNetwork.com : Eden Park est une marque indépendante, une société de taille intermédiaire. Comment avez-vous traversé la période de confinement?

Franck Mesnel :
En tant qu’ancien sportif, je crois qu’il faut prendre l’initiative. Sur la période de confinement à proprement parler, nous étions prêts en amont. Il a fallu anticiper. Et là les valeurs sportives sont importantes. Dans le jeu, anticiper permet de gagner du temps, de se remettre immédiatement en cause et d’agir et essayer d’avoir une réponse collective. Ensuite, j'ai le sentiment que les décisions du gouvernement ont permis d’amortir l’impact de cette crise à laquelle personne n’était préparé. Je peux comparer. Cela n’avait pas été le cas en 2008. Là, les mesures de chômage partiel, les PGE, les mesures sur les charges sociales ont pu donner un peu d’air.

FNW : Vous avez bénéficié de ces mesures?

FM :
Nous avons fait appel à l'activité partielle. Tout notre réseau a été fermé pendant le confinement. Et nous avons obtenu un PGE. Nous l'avons obtenu car nous avons réalisé une très bonne année 2019. Nous nous étions donné l'objectif de dégager du résultat. Et on se félicite vraiment du travail réalisé en 2019. En réalité, il nous fallait dégager du bénéfice. Si vous n'avez pas cela, c'est compliqué.

FNW : Ce PGE, cela signifie quoi pour vous?

FM :
Avec un chiffre d'affaires de plus de 50 millions d'euros et notre réseau de boutiques, sans le PGE, nous déposions le bilan.C'est une respiration qui permet de payer des fournisseurs avec qui nous travaillons depuis 30 ans pour la plupart. Mais attention, il faut faire en sorte que cela ne soit pas un poids. Ces 10 millions d'euros nous permettent de survivre mais cela induit des remboursements. Cela signifie un cadre de surveillance pour naviguer au mieux.

FNW : Sur quoi êtes-vous vigilant? Il est notamment question des stocks qui vont peser sur les saisons à venir...

FM :
En 2008, nous avions été secoués par la crise. Depuis, nous sommes très vigilants. Nous avons refondu l'IT, ce qui a été un énorme chantier mais fondamental pour une entreprise comme Eden Park. Les stocks sont prioritaires dans notre façon de gérer. Nous réalisons une surveillance étroite des indicateurs, travaillons au plus près le plan de collection. Et cela veut dire que nous le faisons d'autant plus par mauvais temps. Un travail sur les baux et les loyers a aussi été effectué.

Concernant les stocks, nous avons été un peu chanceux car l'an dernier nous avons ouvert deux outlets qui nous permettent de maîtriser leur écoulement. Mais fatalement avec la crise du Covid-19, il y a une réflexion sur le plan de collection. On se pose des questions sur ce que l'on conserve. Revient-on à certains basiques ? Travaillons-nous différemment ? Ce que j'adore c'est que cette période oblige à être créatif. Mais je pense que comme dans le rugby, on peut prendre la rigueur anglaise de gestion d'entreprise et l'adapter avec la créativité à la française.


Des pièces Eden Park mises en avant durant le confinement - Eden Park


FNW : Et quelle est l'activité d'Eden Park dans ce contexte particulier?

FM :
Nous avons voulu anticiper la reprise, trouver des solutions, essayer d'étonner nos clients. Durant le confinement, le site a "surperformé". Cela valide aussi le fait que l'on a présenté la marque un peu différemment. Le confinement a créé des envies, les clients voulaient sortir et découvrir des choses. Ils nous attendaient au tournant.

Nous avions prévu de retravailler les collections, d'aborder celles-ci dans des couleurs plus dynamiques. Nous nous sommes un peu écartés du "néo british"; on a plutôt choisi de travailler avec des capsules de blocs de couleurs. Et ce choix a été efficace. Ce sont des clients plus jeunes qui viennent chercher ces produits. Nous avons historiquement un atout sur le confort qui fait que nous avons une clientèle fidèle qui nous suit. Nous avons continué à satisfaire cette clientèle régulière mais nous avons aussi engagé ces chantiers, accompagnés par une communication décalée dans laquelle Eric Blanc et moi-même nous nous sommes impliqués, qui nous ont permis de rajeunir notre clientèle. Nous avions déjà enclenché cela en 2019. Nous voulions amener du punch.

FNW : Dans le contexte actuel, quelle visibilité avez-vous sur cette année 2020 ?

FM :
Durant le confinement, nous avons triplé l'activité e-commerce et nous allons continuer l'accélération. Si tout se passe bien, au 1er novembre nous aurons une nouvelle plateforme. Nous sommes aussi extrêmement attentifs au réseau de détaillants que nous accompagnons dans cette période. Nous avons mis le temps pour implémenter une solution de gestion. On leur recommande de s'appuyer sur notre plateforme qui est bien rodée. Il faut jouer la complémentarité des réseaux. Et puis nous avons aussi signé avec des partenaires pour l'ouverture de quatre franchises à Rennes, Reims, Thionville et Bordeaux. En 2020, nous visons la stabilité.

FNW : Vous tablez sur une année de stabilité alors que les perspectives pour le marché annoncent des prévisions entre -20% et -30%. Vous êtes ambitieux, non ?

FM :
Nous sommes obligés d'être ambitieux. Et nous visons le rebond en 2021. Nous restons la première marque de rugby et nous avons de beaux événements à l'horizon. En 2023, il y a la Coupe du monde de rugby. En général, nous avons une croissance de 20% des ventes ces années. Et en 2024, les JO de Paris, avec le rugby comme sport olympique, seront aussi un levier. Nous avons un plan de route tracé.

FNW : Vous annonciez il y a quelques mois des ambitions de développement à l'international. Est-ce maintenu?

FM :
Nous avons déployé le site aux Etats-Unis. Nous visons les 40 points de vente et on imagine pouvoir ouvrir un magasin à New York ou Miami quand le contexte sera plus favorable. Nous avons d'ailleurs un pop-up store prévu à Miami en août. Nous avons fait confiance à un partenaire local. Nous n'avons pas d'objectifs affichés, c'est un marché où il y a des géants du sportswear. Ce que nous voulons, c'est pouvoir prouver que nous avons des produits de qualité. Que les clients testent et fassent connaître la marque. Chez Eden Park nous ne sommes pas adossés à un fonds. Nous sommes habitués à monter en puissance sur de nouveaux pays. Nous n'avons pas les moyens d'aller très vite; certains s'inquiètent de ce rythme mais nous visons à fidéliser la clientèle et c'est souvent plus efficace sur le moyen terme.


La nouvelle boutique de Rennes, récemment ouverte avec un partenaire en franchise - Eden Park



FNW : Les différentes études que nous traitons annoncent une montée en puissance d'une consommation raisonnée et digitalisée. Eden Park peut répondre à ces attentes de consommation?

FM :
Je n'ai pas de mal à m'identifier à ces démarches. Cela fait 30 ans qu'on travaille sur la durabilité en optant pour des produits qui durent dans le temps. Nous travaillons avec des fournisseurs fidèles. Notre feuille de route est claire, je pense que le fait de payer la qualité est une valeur montante. Je considère que notre offre durable, avec un rapport qualité-prix honnête, est dans l'air du temps.

 

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