
Anne-Sophie Savenier
16 oct. 2014
Guide des bonnes pratiques : les détaillants sont perplexes

Anne-Sophie Savenier
16 oct. 2014
A l’occasion de la première rencontre des indépendants de la mode, organisée par la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH), les professionnels du secteur, parmi lesquels Bernard Morvan, président de la FNH, et Daniel Wertel, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, ont exprimé leur scepticisme quant à la mise en place du guide des bonnes pratiques préconisé par le gouvernement, le mardi 7 octobre, comme base de réflexion sur les évolutions possibles de la régulation des promotions.

Leur principal grief ? La difficulté pour les professionnels du secteur de déterminer ce qu’est un prix loyal. Sur quelle base doit-il être déterminé, par rapport à quelle période ? Ils sont dans le flou, c’est tout là le problème.
"On parle de code de bonne conduite mais il n’y aura pas de contrôle et tout le monde ne jouera pas forcément le jeu. Par ailleurs, cela va entraîner une judiciarisation du secteur. Ce n’est pas ce que nous souhaitons", explique Bernard Morvan.
Etienne Petit, juriste spécialiste du droit de la publicité, tempère : "les juges sont des consommateurs comme les autres. Eux non plus ne souhaitent pas acheter un pull bénéficiant de 50 % de rabais alors que ce n’est pas vrai. Il faut se fier à leur bon sens."
Jean-Sébastien Veilleux, PDG de La Canadienne SAS et gérant de sept points de vente, qui lui non plus n’est pas emballé par le projet, abonde néanmoins dans le sens du juriste.
"C’est l’occasion de jouer à armes égales avec les mastodontes de la distribution. Depuis toujours, à titre de simple exemple, ils annoncent des promotions aux consommateurs qui sont supposées durer trois jours ou six jours alors qu’elles durent vingt ou trente jours. C’est une pratique déloyale.
Ce nouveau cadre nous permettra de plus facilement dénoncer ces pratiques. C’est l’opportunité de nous faire entendre mais on doit se mobiliser et agir. Chiche, on les poursuit."
Par "on", le détaillant pense à ses confrères qui, comme lui, sont exaspérés de voir les gros distributeurs interpréter les lois comme ils le souhaitent à grand renfort de conseillers juridiques.
"Vente Privée aussi devra s’y plier. Ils annoncent régulièrement des rabais de moins 50 % à moins 70 % mais c’est par rapport au prix pratiqué quand la collection est sortie, pas au prix réel. Et encore, quand il ne s’agit pas de collections spécialement fabriquées pour le site", ajoute Jean-Sébastien Veilleux.
Pour d’autres, le problème est plus profond que ce changement de cadre législatif.
Daniel Wertel estime en effet que, "le prix de départ est trop élevé. S’il était plus raisonnable, les gens achèteraient plus et n’attendraient pas les soldes au cours desquelles les commerçants bradent leurs stocks. Par ailleurs, les soldes arrivent trop tôt. Juste avant l’été et juste après les fêtes, ce n’est pas possible."
Pour le président de la Fédération du prêt-à-porter comme pour Bernard Morvan, finalement, la solution n’est pas tant dans ce débat que dans le repositionnement de l’offre.
"Nous allons vers une véritable guerre des prix, renforcée par la nouvelle législation. Les commerçants de centre-ville ne pourront pas faire face sur ce plan-là, il faut qu’ils se différencient dans leur proposition et montent en gamme", déclare le président de la FNH.
Une position soutenue par Daniel Wertel qui souhaiterait que les détaillants osent se différencier en faisant confiance aux jeunes créateurs.
Les détaillants sont cependant dubitatifs, comme Bernadette Hirsch, fondatrice et gérante des boutiques Mademoiselle H et Gift : "Nous aimerions prendre des risques mais la réalité économique implique que tout le monde veut la même chose… Même pour proposer ne serait-ce que 15 % de nouvelles créations, il faut avoir une vraie solidité financière que nous n’avons pas. Il faut plusieurs saisons pour qu’une marque s’installe, nous ne pouvons pas nous le permettre."
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