AFP
21 sept. 2015
L'"Uberisation" de l'économie inquiète l'Etat
AFP
21 sept. 2015
Il n'y a pas que les taxis, les hôteliers et les loueurs de voitures à avoir peur de la concurrence des particuliers. L'essor des plates-formes collaboratives, sur le modèle de l'ex-UberPOP et ses chauffeurs non professionnels, inquiète également l'Etat, qui craint de voir ses recettes fiscales s'éroder.

Blablacar, Airbnb, VizEat, Ornikar... De plus en plus de secteurs sont bousculés par des sites internet permettant aux particuliers de s'échanger des biens ou des services. Un bouleversement pour les professionnels concernés, mais aussi pour l'administration, quelque peu démunie face à ces changements.
« On parle de révolution numérique, mais il faudrait aussi parler de révolution fiscale », estime Bernard Lalande, parlementaire PS et membre de la commission des Finances du Sénat.
Car si en théorie, les revenus réalisés par des particuliers sur Internet sont soumis aux prélèvements sociaux et à l'impôt sur le revenu, rares sont dans la pratique ceux qui sont déclarés... et donc imposés.
« C'est très facile avec ces sites de se faire des compléments de revenus qui échappent à l'impôt », souligne Vincent Drezet, secrétaire général de Solidaires Finances Publiques. « Comme l'économie collaborative est appelée à se développer, mécaniquement, les pertes pour l'Etat vont s'accroître », ajoute-t-il.
Pour Michel Taly, avocat fiscaliste et ancien directeur de la législation fiscale à Bercy, « Internet permet de revenir à une économie de troc sur une grande échelle ». « Si cela conduit à faire sortir des pans entiers de l'activité de l'économie traditionnelle, on peut se faire du souci », estime-t-il.
« Spirale mortifère »
Au-delà des secteurs d'activité « uberisés », c'est l'essor dans son ensemble de l'économie numérique qui donne des sueurs froides au Trésor public. En raison, notamment, des difficultés à faire contribuer les acteurs du Web à l'effort collectif, via l'impôt.
« L'une des difficultés tient à l'éclatement des acteurs », souligne le sénateur PS Jacques Chiron. Des acteurs qui, en outre, sont souvent domiciliés ou hébergés à l'étranger, et évitent de payer à l'Etat la TVA perçue sur les ventes faites en France.
Aujourd'hui, près de 715.000 sites de e-commerce, selon les estimations, exerceraient en Europe. Pourtant, moins d'un millier sont inscrits auprès de l'administration fiscale française.
« La fraude fiscale est importante, et va en s'accentuant. C'est un vrai défi pour notre système fiscal », s'inquiète Vincent Drezet, qui invite à « repenser » le système fiscal français.
Selon un rapport de 2013 sur la fiscalité des géants du Web, les gains de productivité générés par l'économie numérique ne se traduiraient pas par des recettes supplémentaires pour les grands Etats, les bénéfices fuyant les pays développés pour les paradis fiscaux.
Il est « urgent d'arrêter la spirale mortifère », soulignaient les auteurs de ce rapport : le numérique gagnant tous les secteurs d'activité, les marges pourraient être délocalisées, une situation « sans précédent historique », prévenaient-ils.
« Obsolète »
Conscients de ce danger, des sénateurs de la commission des Finances proposent dans deux rapports rendus publics jeudi des solutions pour adapter le système fiscal français, jugé « obsolète ».
Pour les sites Internet collaboratifs, les parlementaires suggèrent d'organiser une « déclaration automatique des revenus », via une plate-forme indépendante reliée au ministère des Finances : « Le Central ».
Les sites, dans ce dispositif, seraient obligés de transmettre les gains de leurs clients au dit « Central », qui calculerait ensuite le revenu agrégé de chaque particulier pour le transmettre, une fois par an, à l'administration fiscale.
« Seuls les revenus au-delà de 5.000 euros seraient soumis à l'impôt », nuance toutefois Albéric de Montgolfier, rapporteur général (LR) de la commission des Finances. Une façon de distinguer les vrais particuliers des professionnels déguisés.
Pour lutter contre la fraude dans le commerce en ligne, la solution serait un prélèvement à la source de la TVA. Cette dernière ne serait plus versée aux vendeurs (chargés ensuite de la reverser au Fisc), mais payée directement au Trésor Public, via un prélèvement effectué lors de l'achat par la banque du client - ce qu'on appelle un « paiement scindé ».
Une révolution pour le système fiscal français ? « Un changement important », reconnaît Albéric de Montgolfier, qui assure que la France « n'a pas le choix ».
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