PARIS, 28 jan 2012 (AFP) - Alors que des sites de commerce en ligne commencent à déployer des boutiques en dur, les grands groupes de vente par correspondance, La Redoute et les 3 Suisses, ont opté pour une stratégie de repli sur les canaux virtuels de distribution (internet, smartphones, tablettes).

Le siège des 3 Suisses à Croix (Nord) le 26 décembre 2008 - Photo : Denis Charlet/AFP

Le groupe 3 Suisses a annoncé la semaine dernière la fermeture d'ici fin janvier de ses 35 boutiques françaises, entraînant le licenciement de 149 personnes. Le principe avait été validé en décembre 2010 dans le cadre d'un plan de modernisation de 70 millions d'euros.

C'est également en 2010 que RedCats (PPR), maison-mère de La Redoute, a engagé la fermeture progressive des douze boutiques de l'enseigne So'Redoute, faute de parvenir à une rentabilité. Les deux dernières sont en cours de fermeture.

"Cette stratégie du tout internet est un peu étonnante car les e-commerçants ont plutôt tendance à ouvrir des points de contact avec leur clientèle. La Redoute et les 3 Suisses font figure de cas exceptionnels", relève Delphine David, directeur d'études du cabinet Xerfi. Selon elle, il n'est "pas impossible que ces deux véadistes traditionnels fassent le chemin en sens inverse une fois qu'ils auront revu leur culture d'entreprise".

Pour Pascal Ansart, associé stratégie du cabinet PwC, le choix du tout internet peut même s'avérer risqué à terme pour ces deux géants de la vente. "Chaque client a un canal d'achat préféré", explique-t-il. "Pour une enseigne généraliste, la distribution multi-canal est essentielle" et disposer d'une boutique "est très important pour la notoriété d'une marque".

C'est la raison pour laquelle, selon lui, des "vépécistes" (vente par correspondance) comme Yves Rocher ou Damart ont déployé au fil des ans un réseau de magasins. Plus récemment, des e-commerçants comme Cdiscount et Pixmania ont décidé d'accrocher leur enseigne dans les rues.

Le catalogue, "media indispensable"

La Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad) relève que la grande tendance est au développement de sites de vente en ligne par les chaînes traditionnelles de magasins. Mais en alternative à leur réseau.

Canaux encore en balbutiements, le m-commerce (smartphones, tablettes), la commercialisation via les réseaux sociaux ou les jeux attisent les appétits.

La Redoute multiplie les expérimentations. Elle avait un site marchand dès les années 1990, a notamment ouvert une boutique sur Facebook dans le cadre de sa stratégie baptisée "100% web-100% mode". En 2010, elle a réalisé 80% de son chiffre d'affaires sur internet, dont 3% sur mobile.

Elle appuie désormais sa distribution sur un maillage constitué en particulier de plus de 4.000 Relais colis en France. Même stratégie côté 3 Suisses.

Selon M. Ansart, leurs boutiques avaient été créées avant tout pour apporter un service en amont (consultation de catalogues) ou en aval de la commande (retrait de colis, service après-vente), et ne présentaient que quelques produits.

Cette concentration sur internet ne devrait pas pour autant entraîner la disparition des mythiques épais catalogues sur papier. La Redoute assure n'avoir aucune intention de supprimer ce qu'elle considère comme "un média indispensable" pour entretenir le lien avec sa clientèle et l'informer de ses collections (10 par an, contre 2 historiquement).

Si la France connaît actuellement une mutation de ses "vépécistes", l'Allemagne a vu les siens quasiment disparaître. Faillite de Quelle en 2009, forte réduction de voilure chez Neckermann, il ne reste plus qu'un seul acteur majeur, Otto, qui réalise 73% de son chiffre d'affaires sur internet et n'a pas l'intention d'ouvrir de magasin.

Par Elodie MAZEIN