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8 mars 2023
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La mode cinématographique de A.W.A.K.E., Y/Project et Avellano

Publié le
8 mars 2023

La Semaine de la mode parisienne s’est terminée en beauté, mardi, et ce malgré la grève générale. Les fans étaient un peu moins nombreux aux abords des grands défilés et les invités moins compressés, mais le programme s’est déroulé comme attendu. Aux côtés des poids lourds Chanel et Miu Miu, des collections très inventives ont notamment été dévoilées. A l’instar de A.W.A.K.E. Mode, Y/Project et Avellano.

Atmosphère Blade Runner chez A.W.A.K.E. Mode


 

A.W.A.K.E. Mode, automne-hiver 2023/24 - © ImaxTree


Qu'elle soit habillée dans un costume baggy austère, les yeux cachés par une longue frange, en pantalons cargo décontractés ou en robe fourreau, la femme A.W.A.K.E. Mode en impose. A la fois puissante et relax, masculine et sophistiquée, classique et excentrique. "C'est une femme fatale, mais décontractée. Il y a un côté très structuré et confortable, et de l'autre un aspect plus féminin et romantique", résume la créatrice Natalia Alaverdian, qui dit s’être inspirée "de l’atmosphère du chef-d’œuvre de Ridley Scott, Blade Runner", comme en témoignent les derniers mannequins du défilé affichant la coiffure rétro futuriste de Rachel, la protagoniste de ce film culte.
 
Tout se joue entre coupes couture, lignes graphiques, constructions recherchées et de très belles matières tactiles provenant de stocks dormants. Ainsi une multitude de ceintures de pantalon en denim forme un jean, des ensembles jaune poussin sont taillés dans une laine cotonneuse à la douceur peluche, d’autres dans des vinyles texturés, dans du simili sky ou des faux cuirs vieillis. Des robes et de grands sacs sont confectionnés dans des fausses fourrures à rayures. Velours et paillettes illuminent de fluides robes de soirée drapées.  

Des costumes sont entièrement tailladés et reconstitués à partir de bandelettes frangées, tel un plumage. Plusieurs tenues sont construites en damier via des bandes entrelacées. Les manteaux adoptent des formes arrondies. Les boutons, ronds ou sphériques, soulignent de longues fentes dans le bas d’un pantalon, dessinent des diagonales sur une maxi jupe ou une courbe latérale sur des pantalons de cow-boy revisités. D’énormes poches en relief sont plaquées un peu partout.
 
A signaler les chaussures, fort désirables, conçues comme des objets de design précieux. Fabriquées en Italie, elles sont portées parfois de manière dépareillée, la mule argentée au pied droit, celle dorée au pied gauche, couvertes de fourrure, tressées ou décorées de boules en or. Basée à Londres, la griffe qui compte une douzaine de collaborateurs, est distribuée via 60 revendeurs, dont les Galeries Lafayette, le Printemps et la Samaritaine, les États-Unis étant son premier marché.

L'imperfection créative de Y/Project




Y Project, automne-hiver 2023/24 - © ImaxTree


 
Pour son retour dans le calendrier féminin, Y/Project a frappé fort, mardi, avec un défilé à grand impact, où les mannequins traversaient majestueusement l’espace délabré d’un immeuble en travaux en suivant au ralenti l'air poignant de "Lascia ch’io pianga" de l’opéra Rinaldo de Haendel, répété à l'infini.
 
Il fallait ce moment suspendu de plusieurs longues secondes pour apprécier à chaque passage les mille et une trouvailles et détails de construction impulsés par Glenn Martens à ses créations, qui semblaient soumises à un tourbillon perpétuel. Pas de rubans flottants ou d’effets de tissus fluctuant. Le styliste crée l’illusion de la dynamique même du mouvement en déstructurant totalement le vêtement. Par exemple, ceintures, cravates, colliers, sacs partent en vrille. Ailleurs, des pans d’habits sont torsadés comme dans une spirale.
 
La bande de boutonnage d’une veste ou d’une chemise prend soudain la tangente et se détache pour s’accrocher au côté opposé. Des pantalons se déboutonnent le long des jambes et se reboutonnent de travers, ou bien ils sont doublés de bandes de tissu, fixées en surpantalons, mais de manière trop large, qui baillent. La collection semble un hymne à l’imperfection créative.
 
Glenn Martens reprend ses grands classiques et pousse ses expérimentations plus loin. Son fameux pantalon-culotte avec doublure apparente est ainsi réinventé cette saison en troquant les jambes du pantalon par deux énormes bottes de sept lieues confectionnées dans le même tissu. Il disserte aussi autour du fil effiloché, qui s’incruste dans différentes tenues à la façon de déchirures impromptues, en tentacules comme des broderies, ou en semblant lacérer totalement un vêtement.
 
Comme la saison dernière, le styliste, qui est aussi le directeur créatif du jeanneur italien Diesel, met l'accent sur les imprimés en trompe l'œil et surtout sur le denim. Cette matière est une fois de plus très présente, injectée à grandes doses dans la collection à travers différentes pièces, traitements, lavages, impressions et constructions. A se demander si Y/Project n’est pas en train de devenir la ligne couture de Diesel…

Néo-futuriste 100% latex chez Avellano




Avellano, automne-hiver 2023/24 - © ImaxTree

  
Après avoir débuté avec Blade Runner, le dernier jour des défilés s’achève avec Matrix. Lunettes de soleil, longs trenchs, infinis manteaux-soutanes, bras gantés, bottes à talons aiguilles. Sans oublier les leggings et combinaisons ultra moulantes, qui enserrent corps et jambes. Les total looks noirs 100% latex se succèdent sur le podium d’Avellano, comme si les personnages du célèbre film d’anticipation se démultipliaient sous nos yeux.
 
Pour son premier défilé dans le calendrier féminin, le styliste toulousain Arthur Avellano se recentre sur sa matière de prédilection et les modèles qui ont fait son succès à ses débuts, du pantalon large aux trenchs et vestes aux volumes amples et souples, imprégnés d’un univers néo-futuriste. Il poursuit son travail sur le latex, explorant de nouveaux procédés et techniques avec par exemple du latex peau de serpent, de la transparence, ou des combinaisons résille scintillantes, réalisées avec du latex imprimé en 3D sur du tulle et décorées de pierres Swarovski posées à la main.
 
L’homme est délaissé -la collection compte seulement deux looks masculins-, Avellano basculant quasi totalement sur une offre féminine avec des modèles fourreaux drapés, qui embrassent les courbes du corps, et dénudent parfois le dos, de somptueuses robes à traîne, des tuniques-combinaisons évasées à fines bretelles rendant l’idée d’une certaine souplesse et légèreté. Certains modèles couleur chrome semblent avoir été coulés dans du métal, tandis que des tops en latex transparents s'apparentent à une étoffe légère.
 
Le créateur a abandonné la distribution en gros pour se concentrer sur le sur mesure et le sur commande. Depuis que Kim Kardashian a endossé une de ses robes, la marque a explosé sur les tapis rouges. "Ça n’arrête pas. Nous faisons beaucoup de stars et de célébrités, mais aussi des groupes et musiciens en tournée. Nous croulons sous les demandes", se réjouit Arthur Avellano, qui travaille désormais avec une dizaine de collaborateurs.

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