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Les maisons de luxe indépendantes sous pression après le rachat de Versace

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26 sept. 2018

Paris (Reuters) - Le rachat de Versace par Michael Kors accentue la pression sur un certain nombre de marques de luxe indépendantes, qui luttent pour exister face aux empires du secteur. Michael Kors a officialisé mardi le rachat de la maison de luxe italienne pour 1,83 milliard d’euros, dette comprise. Versace s’ajoute ainsi à la liste croissante des marques tombées dans l’escarcelle d’un conglomérat dans un secteur largement dominé par de grands groupes européens comme LVMH, qui possède désormais quelque 70 marques allant du champagne aux montres.


Photo d'archives - REUTERS/Mike Segar


Les vastes ressources financières du leader mondial du luxe et de son concurrent Kering, la constitution de groupes comme l’américain Michael Kors ou le chinois Shandong Ruyi et le fossé croissant entre les marques performantes et celles qui cherchent à combler leur retard pourraient favoriser d’autres rapprochements, estiment des spécialistes du secteur.

« Comparés aux plus grandes marques, les groupes indépendants ne disposent pas de l’oxygène nécessaire. Une consolidation est inévitable », affirme Giuliano Noci, professeur de stratégie et de marketing à l’Ecole polytechnique de gestion à Milan.

Certes, certaines maisons indépendantes continuent de briller, comme Hermès ou Chanel. Cette dernière, convoitée de longue date par ses concurrents, a dévoilé pour la première fois en juin ses résultats financiers, qui la placent parmi les premières marques mondiales de luxe en termes de chiffre d’affaires. L’italien Moncler, célèbre pour ses doudounes, voit ses revenus augmenter grâce au renouvellement fréquent de son offre et à ses ventes en ligne.

Mais dans une industrie volatile, où les tendances vont et viennent, les conglomérats ont réalisé parmi les meilleures performances ces derniers temps avec la forte demande en provenance de Chine.

Les chiffres d’affaires de Kering et de LVMH progressent grâce à Gucci pour le premier et Louis Vuitton pour le second, ce qui leur permet de compenser la baisse des résultats de Bottega Veneta et de Marc Jacobs.

En revanche, le britannique Burberry, l’italien Salvatore Ferragamo ou le joaillier américain Tiffany ont été plus exposés quand leurs ventes ont marqué le pas. Ces trois groupes s’attèlent à leur redressement mais sont souvent cités par des analystes comme des cibles potentielles, même si Salvatore Ferragamo fait partie des quelques entreprises familiales italiennes comme Prada dont les propriétaires refusent depuis longtemps de céder le contrôle.

« Pour les groupes familiaux, il est plus difficile de prendre ce type de décisions. Mais si vous connaissez une période de sous-performance prolongée, et que cela dure, vous devez un jour ou l’autre faire quelque chose », explique Flavio Cereda, analyste chez Jefferies, qui dit s’attendre à davantage de rapprochements dans les années qui viennent.

Versace, qui dit n’avoir reçu aucune offre de la part d’investisseurs italiens avant de se vendre à Michael Kors, a ainsi suivi l’exemple de Bulgari parmi les entreprises familiales ayant cédé aux sirènes de grands groupes. Le joaillier italien a été racheté par LVMH en 2011.

LVMH et Kering sont peu susceptibles de racheter des marques fragiles, observent des banquiers d’investissement. Kering fait partie des groupes qui n’ont finalement pas voulu investir dans Versace, dont la rentabilité a faibli, ont rapporté des sources lundi.

Les deux groupes français, tout comme leur concurrent suisse Richemont, propriétaire entre autres de Cartier, se sont souvent dits ouverts aux opportunités. LVMH a toutefois récemment déclaré qu’il jugeait les prix élevés actuellement. Ils n’ont fait aucun commentaire mardi sur leurs projets d’acquisition.

D’autres candidats émergent. Ainsi, le chinois Shandong Ruyi a racheté cette année le chausseur suisse Bally et son concurrent Fosun s’est offert la maison de couture Lanvin, deux opérations qui soulignent leurs ambitions dans le luxe.

Aux Etats-Unis, Michael Kors, qui sera renommé Capri Holdings après le rachat de Versace, comme son concurrent Tapestry, propriétaire des marques Coach et Kate Spade, tentent également de se faire une place.

Pour les conglomérats, accumuler les marques peut représenter des économies de coûts et des avantages. « Bien sûr qu’il existe des synergies et, plus grand est le groupe, plus son pouvoir de négociation avec les fournisseurs et les propriétaires est important par exemple », souligne Ludovic Grandchamp, de Savigny Partners, société de conseil spécialisée dans le secteur de la distribution.

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