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24 oct. 2016
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New Look adapte son offre pour séduire les Chinois

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Reuters
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24 oct. 2016

Alors qu'en Europe, les géants de la mode s'apprêtent à aborder la période la plus difficile de leur expansion en Chine, un magnat sud-africain s'attaque de manière audacieuse au pays le plus peuplé au monde. Christo Wiese, le propriétaire de New Look, s'est ainsi engagé à y ouvrir 500 magasins sous l'enseigne New Look en 3 ans, catapultant ainsi la marque britannique dans la même ligue que les géants de la mode comme l'Espagnol Inditex et le Suédois H&M.

New Look nourrit de grandes ambitions en Chine - Photo: New Look


Selon Reuters, le propriétaire de New Look prévoit de concevoir la plupart des vêtements de la marque en Chine afin de s'assurer que ceux-ci correspondent au goût local et puissent arriver plus rapidement en magasin. L'arrivée de New Look – avec sa stratégie d'approvisionnement local – fait naître de nouveaux risques pour des groupes comme H&M et Inditex, qui souffrent déjà du ralentissement de la croissance en Chine, ainsi que d'une féroce concurrence dans l'immobilier, et qui doivent faire face aux coûts liés aux investissements dans le commerce en ligne.

Cette année, H&M ouvre plus de magasins en Chine que partout ailleurs dans le monde et le pays est déjà le second marché d'Inditex, hors Espagne. La Chine attire fortement les enseignes internationales, qui espèrent tirer parti des ambitions d'une classe moyenne en pleine croissance. Les marques milieu de gamme profitent particulièrement de la situation, les consommateurs préférant aujourd'hui celles-ci aux grandes marques de luxe traditionnelles, depuis que le gouvernement a décidé de combattre la corruption et la tendance à faire des dépenses somptuaires.

Pourtant, l'histoire récente comporte de nombreux exemples d'échec. Les marques occidentales qui ont connu des difficultés dans l'Empire du Milieu vont de Gap à Abercrombie & Fitch, en passant par Marks & Spencer, ce dernier ayant décidé l'an dernier de fermer 5 magasins dans des villes secondaires afin de mieux se concentrer sur ses flagships dans les grandes villes et sur le commerce en ligne. "La plupart des marques de mode milieu de gamme occidentales échoue en Chine. Pour une grande partie, cela est dû au fait que le style et les coupes des vêtements sont complètement différents", estime Shaun Rein, fondateur du cabinet d'études de marché China Market Research.

New Look, une chaîne fondée en 1969 et rachetée l'an dernier par Brait SE, le véhicule d'investissement de Christo Wiese, ne souhaite pas faire la même erreur. La marque, qui exploite actuellement 94 magasins en Chine, et 852 au total à travers le monde, prévoit d'inaugurer 150 nouveaux magasins dans le pays d'ici à mars 2017.

Se conformer aux exigences chinoises

Même si New Look tire profit de la popularité en Chine du style britannique – en ajoutant notamment la mention 'London' à son logo en Chine, l'enseigne souhaite aussi s'adapter aux préférences locales. Sven Gaede, directeur général de New Look à l'international, estime pour sa part que son entreprise bénéficie d'un avantage sur la plupart de ses concurrents européens, car 85 % de ses produits sont fabriqués localement et plus d'un tiers son créés exclusivement pour le marché chinois.

Cela a notamment permis à New Look de profiter de la popularité en Asie des pantalons trois-quart, qui représentent 12 % des ventes en Chine, un modèle qui n'est pas à la mode sur les marchés européens.

"La Corée du Sud et le Japon définissent beaucoup des tendances suivies par le consommateur chinois, aussi notre capacité à identifier ces tendances, à les sourcer localement et à les acheminer rapidement en magasin est cruciale", ajoute Sven Gaede.

Cette situation permet d'expliquer le succès du Japonais Uniqlo en Chine, avec déjà près de 500 magasins dans le pays, et 1 000 prévus d'ici 5 ans. "C'est assez difficile pour les marques étrangères de fast fashion de fabriquer localement, comme Uniqlo le fait en Chine, ce dernier étant né avec le gène asiatique", précise pour sa part Violet Shen, une cadre du marketing à Shanghai.

Le modèle de la fast fashion a été créé par Inditex, qui est capable en quelques jours de mettre en magasin de nouveaux styles apparus sur les podiums, avec des usines principalement installées en Espagne et en Afrique du Nord. Toutefois, Inditex ne bénéficie pas du même avantage en Chine.

Inditex prévoit d'ouvrir 60 nouveaux magasins dans les prochaines années, qui s'ajouteront aux 582 déjà existants sur le marché chinois, mais ses centres de logistique sont encore situés en Espagne. "À mesure que la part des ventes en Asie augmente, ce modèle est remis en question. Vous ne pouvez pas travailler à partir de l'Espagne", estime Dominic Jephcott, PDG du groupe spécialiste de la chaîne logistique Vendigital.

New Look n'est pas le premier commerçant occidental à tenter d'implanter le modèle d'Inditex en Chine. Le Danois Bestseller, qui exploite des marques comme Vero Moda et Jack & Jones, produit plus de 90 % des ses vêtements en Chine, et la majorité des modèles sont adaptés au marché local. Cela a permis à ce groupe familial de devenir le leader en Chine, avec plus de 6 800 magasins répartis entre 300 villes, correspondant à une part de marché – très fragmenté – de 2 % , selon Euromonitor.

Anders Kristiansen, qui préside New Look depuis 2013, a géré les activités de Bestseller en Chine. Son expérience motive en grande partie la stratégie du groupe dans le pays.

H&M achète aussi de nombreux vêtements en Chine – le pays représente environ un quart des approvisionnements du groupe – mais le Suédois adapte peu ses lignes au marché local. Au cours des 9 derniers mois, H&M a ouvert 47 nouveaux magasins dans le pays, portant le réseau à 400 points de vente. "Nous observons que la mode devient de plus en plus globale et la Chine n'est pas si différente par rapport au reste du monde, en termes de tendances et de mode", déclare ainsi Nils Vinge, le directeur des relations avec les investisseurs. "Il y a bien sûr des différences locales mais cela est vrai pour tous les marchés. Le modèle d'H&M peut s'adapter à cela."

Identifier les emplacements clés

Un défi plus important pour New Look consiste à trouver les bons emplacements, les concurrents cherchant eux aussi à agrandir leur réseau au cours des prochaines années. "Trouver 500 emplacements et les développer correctement... Je pense que c'est virtuellement impossible", estime ainsi Franklin Yao, associé de la firme de consultants en stratégie Smith Street.

Mais, selon Sven Gaede, plus la marque New Look sera reconnue en Chine, plus il lui sera facile de trouver de bons emplacements, avec de meilleures conditions, ajoutant par ailleurs que l'entreprise souhaitait maintenant se développer dans des villes de plus petite taille : "Nous pensons moins au nombre d'ouvertures chaque année qu'à la qualité des emplacements."

Satisfaire la demande croissante des Chinois pour la mode en ligne est aussi une tâche difficile. La plupart des marques internationales débutent sur les sites chinois de commerce en ligne comme JD.com ou encore Tmall et Taobao, mais souhaitent ensuite lancer leurs propres plateformes afin de protéger leurs marges et mieux intégrer ventes en ligne et services en magasin.

New Look est actuellement disponible sur Tmall et JD.com, mais prévoit de lancer son propre site d'ici à 12 ou 18 mois. S'associer avec les sites chinois ainsi qu'avec des fournisseurs de services de paiement et de livraison locaux est essentiel pour atteindre les consommateurs dans un pays aussi vaste, précise pour sa part Dominic Jephcott : "C'est un effort important, aussi bien en ligne qu'en ce qui concerne le réseau physique, le tout s'appuyant sur des partenaires logistiques comme Taobao."

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