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27 oct. 2020
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Nouvelles mesures sanitaires: les commerces inquiets à l'approche des fêtes

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27 oct. 2020

Couvre-feu dès 19h, confinement le week-end, fermeture des lieux recevant du public, confinements locaux… L'exécutif devrait annoncer dans les prochaines heures de nouvelles mesures sanitaires, dont les natures possibles ont été progressivement évoquées. Toujours fragile depuis un éprouvant confinement, le secteur du commerce regarde avec inquiétude ces possibles nouveaux freins, à l’approche des fêtes de fin d’année.


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Le Président de la République convoquait un nouveau Conseil de Défense les 27 et 28 octobre, face à l’accélération des admissions en réanimation. Les sources ministérielles ont déjà le dimanche évoqué trois pistes débattues: la première, et plus probable, reposant sur un couvre-feu avancé à 19h et un confinement le week-end dans les zones les plus touchées. Une autre solution reposerait sur un avancement du couvre-feu et la fermeture des lieux recevant du public, dont les universités, et potentiellement le commerce. Choix qui coûterait moins cher à l'économie, selon Bercy. La troisième piste en discussion envisagerait des reconfinements locaux de deux à quatre semaines, dans les zones d'alerte maximale. Mardi soir, Europe 1 indiquait de son côté de sources gouvernementales qu'un reconfinement généralisé serait par ailleurs sérieusement évoqué.

“La seconde vague est là, il faut des mesures pour l’endiguer. Mais attention de ne pas prendre des mesures générales comme celles prises lors du confinement”, explique à FashionNetwork.com William Koerberlé, le président du Conseil du Commerce de France (CdCF) qui regroupe nombre de fédérations du secteur. “On découvrait, à l’époque. Ce n’est plus le cas: les commerçants ont beaucoup appris et se sont adaptés au contexte. Il faut maintenant apprendre à faire du commerce avec le virus. Cela veut surement dire revoir encore plus les protocoles sanitaires. Mais le click&collect permet toujours de prendre son produit sans avoir de contact. Dans la bijouterie, mais aussi l’habillement et la chaussure, il y a la possibilité de prise de rendez-vous. S’il faut aller plus loin, attention à ne pas prendre de mesures trop pénalisantes”.

Une inquiétude partagée par les centres commerciaux, comme le confie à FashionNetwork.com le délégué général du Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC), Gontran Thüring. “On a l’impression que le scénario le plus probable sera celui d’un élargissement du couvre-feu en semaine, et un reconfinement le week-end”, pour le responsable.” Ce qui évidemment pour le commerce serait très négatif. Le week-end représente une grande partie de l’activité des centres commerciaux, et si les gens ne peuvent plus y aller le soir en semaine, cela veut dire clairement que les gens ne peuvent plus faire leur shopping.”

L'Alliance du Commerce (grands magasins, enseignes mode et chaussures) estime que de 30 à 50% des ventes des commerces se font le samedi. Et qu’une fermeture plus tôt en soirée reviendrait à couper jusqu'à 25% des ventes journalières. "Le Gouvernement doit absolument préserver l'ouverture de tous les commerces au-delà de 19h et laisser aux consommateurs la possibilité de réaliser leurs achats en magasin le week-end. De nouvelles restrictions aggraveraient encore davantage la distorsion de concurrence entre le commerce en ligne et physique, mettant en péril de nombreuses entreprises et des milliers d'emplois", estime le directeur général de l'Alliance, Yohann Petiot.

Du côté du CdCF, William Koerberlé estime en outre qu'une fermeture anticipée en journée ne ferait que déplacer le problème, créant une fréquentation renforcée durant le reste de la journée. Là où les commerçants ont pris leurs dispositions pour limiter les flux et maintenir les distanciations en magasins. Ce qui, pour le responsable, doit rester une priorité.

Les ventes de fin d’année en jeu



Pour Gontran Thüring, de nouvelles limitations de l’activité commerciale seraient d’autant plus dommageables qu’elles interviendraient à l’approche des fêtes de noël. Un temps fort de la consommation sur lequel une très grande majorité des acteurs comptaient pour sauver une partie de leur exercice 2020.


IFM



Une inquiétude naturellement partagée par le CdCF. “On est sur les mois d’octobre, novembre et décembre”, rappelle William Koeberlé. “Or dans des secteurs comme l’habillement, la parfumerie ou la bijouterie, la fin d’année pèse de 40% à plus de 50% de l’activité annuelle”. Ce qui fait notamment redouter au responsable que la situation ne pousse une nouvelle fois les consommateurs vers les pure-players internationaux, créant “une véritable distorsion de concurrence dont nos entreprises ne se remettraient pas”.

Les zones de commerce n’ont en effet pas retrouvé leurs niveaux d’avant-crise. Les derniers chiffres du CNCC montrent en septembre pour les commerçants un chiffre d’affaires correspondant à 91,1% des niveaux de septembre 2019. “Les centres intercommunaux sont moins impactés, avec 94,8%”, nous indique Gontran Thüring, qui pointe que les grandes centres commerciaux et coeurs de ville restent les plus impactés. Avec en secteur les plus touchés la restauration, les loisirs, et l’habillement.

"Les mois de novembre et décembre représentent près de 20% des ventes annuelles dans le commerce de l'habillement", rappelle l'Alliance du Commerce. "En cette fin d'année, tous les commerces sont essentiels ! Après plusieurs mois de crise sanitaire, les entreprises sont aujourd'hui dans une situation financière extrêmement difficile et encore plus fragile qu'en début d'année. Les enseignes ont déjà enregistré une diminution de leur chiffre d'affaires de plus de 20% depuis le début de l'année".

Les derniers chiffres de l’Institut Français de la Mode (IFM) montraient en effet pour septembre une nouvelle contraction de 6,5% de l’activité. Marquant une rupture après la hausse de 7,2% constatée en août. Un recul de rentrée auquel n’ont échappé que les indépendants, multimarques et chaînes de grandes diffusion (relire notre article).

Une nouvelle menace sur les trésoreries



La remise en cause de l’activité commerciale du dernier trimestre s’inscrit dans une inquiétude plus large, pour les commerces, qui tentent encore d’équilibrer leurs finances. “Depuis avril, le gouvernement a fait tout ce qu’il fallait pour aider les trésoreries”, explique William Koerberlé. “Mais les reports de charge, ce ne sont pas des annulations: il va falloir commencer à les payer. Les PGE (prêts garantis par l’Etat, ndlr) aident, mais il faudra également les rembourser. Et sur les loyers, on ose croire que les choses vont avancer, mais en attendant il faut aussi les payer. Donc pas de chiffre d’affaires et des charges qui viennent, dans une période qui permet normalement d’équilibrer les résultats de l’entreprise, ce serait très dangereux”. 


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D’où l’importance, pour les représentants de fédérations, de voir émerger des prochaines annonces sanitaires des décisions mesurées sensibles aux enjeux du secteur. Secteur qui redoute une nouvelle mise à mal des relations entre clients et commerces “non-essentiels”, tandis que la moitié des TPE-PME estiment qu'elles ne survivraient pas à un reconfinement.

“S’ils ne peuvent pas ouvrir, on va se retrouver avec des entreprises qui vont fermer définitivement” prévient le président du Conseil du Commerce de France. “Avec ce que cela implique au niveau social. Et on voit que cela a déjà commencé, avec un grand nombre de sauvegardes et autres dossiers devant les tribunaux de commerce. Dès le premier confinement, dans l’habillement, 30% des indépendants disaient qu’ils ne passeraient pas l’hiver faute d’aides, avec ce que cela impliquerait pour nos centres-villes et la vacance commerciale” rappelle le responsable, qui espère pour bientôt les lumières de Bercy. 

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