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Olivier Noyon : "Nous surmonterons cette crise. On en a surmonté d’autres"

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16 sept. 2016

Le dentellier calaisien Noyon a été placé la semaine dernière en redressement judiciaire. Président de la société familiale, Olivier Noyon évoque pour FashionNetwork les difficultés rencontrées et la nécessaire mobilisation des marques et élus pour sauvegarder un savoir-faire menacé.
 

Olivier Noyon - MG/FNW


FashionNetwork : Quels sont les raisons de ce placement en redressement ?

Olivier Noyon : La société a été placée en redressement judiciaire le 7 septembre et nous avons obtenu du tribunal une période d’observation de six mois, suite à des difficultés de trésorerie. Que nous avons exposées au tribunal qui nous a écoutés avec beaucoup d’intérêt et de bienveillance, en comprenant la situation. Celle-ci est très simple : il y a une forte baisse sur la partie lingerie, alors que la partie robe est en progression. Seulement, la lingerie représente quasiment 70 % de notre chiffre d’affaires. Donc nous sommes impactés par cette baisse de volume. Noyon est présent chez la plupart des marques de lingerie de luxe puisque nous proposons de la dentelle leavers. Nous travaillons beaucoup avec Lise Charmel, Marie Jo, Chantal Thomass, La Perla… Mais les clients pour ce niveau de qualité, sur toute l’Europe, c’est une quinzaine de marques. C’est donc assez limité. Et par certains clients, pas ceux que je viens de citer, nous avons subi d’importantes baisses de volume, parfois divisés par trois ou quatre. Vous imaginez bien 240 salariés, une masse salariale de 9 millions d’euros. Et en dessous de 18 millions de chiffre, nous n’équilibrons pas.

FNW : L’activité robe devient-elle une priorité ?

ON : En 2014, nous étions presque à l’équilibre, avec 18 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous avons chuté l’an passé aux alentours de 15,5 millions. Et cette année, nous serons sur une baisse inférieure, mais nous ne réussirons pas à remonter sur le chiffre de 2014, qui était pour nous l’objectif. Force est de constater que l’on n'y arrive pas. Nous avions mis en place toute une stratégie il y a deux ans sur la robe. Cette stratégie est bonne et on la poursuit. D’où l’élargissement de la pénétration commerciale, avec des agents dans des pays où nous n’étions plus représentés, comme la Russie, la Turquie, l’Asie de l’Est, l’Australie. En plus des pays traditionnels où nous faisons des efforts, comme la France, l’Italie, les Etats-Unis. Notamment sur le marché du mariage, où tout un travail a été mené et va se poursuivre. Car tout l’objectif est de rééquilibrer l’activité entre lingerie et robe. Sur la lingerie, nous n’allons pas évoluer dans les 2-3 prochaines années et garder l’activité telle qu’elle est, car on estime avoir une très bonne place : si les volumes n’y sont pas, nous n’y sommes pour rien. En revanche, sur le marché de la robe, nous avons du grain à moudre et des parts de marché à prendre. Et une place que Darquer doit retrouver.
 
FNW : A quoi attribuez-vous cette baisse des commandes en lingerie ?

ON : On peut les attribuer à une consommation un peu en berne, avec des clientes prudentes à la fois en termes de sécurité et pour des raisons économiques. La distribution, côté détaillant, a été pour sa part impactée par le raz-de-marée des chaînes spécialisées. Mais également par la vente en ligne, qui prend également des parts de marché. De fait, cette distribution par les détaillants se réorganise depuis des années, mais une partie est restée morte au champ d’honneur. On est dans cette période intermédiaire où nous souffrons de cette situation.
 
FNW : Êtes-vous inquiet pour l’avenir de Noyon ?

ON : Je suis inquiet car les périodes de restructuration sont toujours une période délicate dans une entreprise. Egalement du point de vue de la perception de vos clients. Au lendemain du tribunal, j’ai réuni tous les salariés. J’ai l’habitude de m’exprimer très directement avec eux. L’ensemble a compris. Maintenant, chacun en son for intérieur est inquiet. Qui sera licencié ? Qui va rester ? Il faut à la fois garder l’élan et l’énergie, et mener une diminution des effectifs. Et c’est toujours un moment douloureux pour une entreprise et ses salariés. Nous surmonterons cette crise. On en a surmonté d’autres. Je pensais ne plus avoir à licencier, très franchement. Quand on est parti sur un plan de continuation, c’était ma volonté, mon credo. Cela n’a pas suffi face à un marché qui marche au ralenti. Nous n’avons pas démérité sur le marché de la lingerie. Pas un client n’a pas une ligne, sur au moins une des deux saisons, ne comportant pas de dentelles de nos collections.

FNW : Avez-vous évoqué cette situation avec d’autres dentelliers de la région ?
 
ON : J’en ai parlé à d’autres sociétés. Tous ceux travaillant dans la lingerie ont eu le même problème. Voyez par exemple Desseilles Codentel, qui ont fait face à la même chose. La robe a actuellement une situation et un avenir différent, puisque en bonne santé, extrêmement profitable et prospère. Parce que c’est un marché où la clientèle est beaucoup plus attachée à ses fournisseurs. La clientèle a peut-être mieux compris la nécessité de garder des fournisseurs comme nous qui offrons des produits d’exception. C’est ce qui fait aussi que les vêtements produits sont aussi d’exception. En lingerie/corseterie, j’ai certains clients, comme Lise Charmelle, qui nous suit depuis le début, a un grand respect et avec qui nous partageons une même passion pour le savoir-faire. Il y a là et chez d’autres marques une volonté de défendre une excellence française. Mais beaucoup, confrontés au marché et à la concurrence, se tournent un coup vers l’Asie, un coup vers l’Europe. Et nous, nous avons du mal à nous retrouver. Toutes les disparitions de dentelles pour lingerie n’ont pas profité à ceux qui sont restés. Le marché s’est juste rétréci. J’espère qu’on est arrivé à un palier, qui ne pourra que nous faire rebondir. Car nous sommes à la limite du savoir-faire que nous pourrons sauvegarder en ce qui concerne la lingerie. J’étais le dernier gros fabricant de lingerie et j’espère le rester, mais en devant diminuer de taille. C’est toujours un signal d’alarme très fort.
 
FNW : Les élus auront-ils également un rôle à jouer pour la suite ?

ON : Bien sûr. J’ai d’ailleurs des relations très étroites avec les élus au niveau de Calais, de la préfecture ou de la région. Ils ont un vrai rôle à jouer. Mais ils ne peuvent avoir un rôle que si les entreprises elles-mêmes trouvent une solution. On ne va pas demander aux élus de trouver des solutions pour les entreprises. Mais ils peuvent donner de l’aide au moment où ça va mal ou un coup de fouet pour redémarrer. Mais ils ne peuvent se substituer à la gestion des entreprises. Je suis sûr que j’aurai le soutien et le aides, que ce soit au niveau de la ville, de la région ou de l’Etat. C’est aussi une nécessité pour eux en termes d’emploi. Au-delà des questions de savoir-faire, il y a une question de l’emploi qui est primordiale dans la région du Nord.

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