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12 avr. 2016
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The Transformers ou comment rendre le denim moins "ugly"

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12 avr. 2016

Besoins en eau, utilisation de produits chimiques pour la production, la teinture et la finition de la toile, utilisation de métaux lourds pour la création des boutons et rivets : la toile bleue est encore bien loin d’être verte.

Miguel Sanchez milite pour une remise à plat des produits chimiques utilisés dans l'industrie textile - Olivier Guyot/FashionMag


Mais plusieurs initiatives d'acteurs du denim laissent entrevoir que l'industrie possède les capacités de répondre aux défis environnementaux et aux attentes des consommateurs. A l’occasion de la Denim Week d’Amsterdam, la conférence The Transformers « Garbage : The good, the bad and the Ugly » livrait quelques approches respectueuses de l'environnement et défis à relever dans la gestion des déchets. Un beau préambule au salon Kingpins qui débute ce mercredi dans la cité néerlandaise et réunit marques et producteurs.

Animé par le dirigeant du salon, Andrew Olah, le séminaire donnait la parole aux différents acteurs de la filière. Tous les présents ce mardi s’accordent à dire qu’il est temps d’agir. Mais surtout qu’il est possible d’agir.

Sedef Uncu Aki, dirigeante de Bossa en Turquie - Olivier Guyot/FashionM


Premier axiome : connaître les différentes étapes de la production d’un jeans et leur impact sur l’environnement. Cela débute dès la conception du produit avec un mot d’ordre fort : « Les dérivés du pétrole ne sont pas biodégradables là où il faut quatre mois pour que le coton se décompose, explique Terry Townsend, spécialiste de la production de coton. Mais depuis 1988, les autres matières ont pris le dessus sur le coton ». De fait, le coton ne pèse que 24 millions de tonnes contre 66 millions pour les autres matières.

Bonne nouvelle ! Des chercheurs japonais ont récemment découvert une bactérie dévoreuse de plastique. Mais son utilisation à grande échelle n'est pas encore d'actualité. Alors, pour protéger l'environnement contre les dérivés plastiques, une solution : revenir vers des matériaux organiques et biodégradables.

« Pendant ces dernières années, de grandes marques comme Nike ont associé la technicité et la créativité aux produits en polyester, souligne la spécialiste des tendances Haysun Hahn. Les acteurs du coton n’ont pas été audibles ».  En la matière, au-delà des propriétés du coton, le développement de l’utilisation de la cellulose a notamment intéressé l’auditoire d’une centaine de spécialistes du secteur.

Mais pour réussir une conversion de l’industrie, le consommateur doit être moteur. Les acteurs de la filière doivent donc trouver les meilleurs moyens de sensibiliser le client final, sans le submerger d’informations.

Un équilibre délicat à trouver. Car le projet va bien au-delà de l'intégration de quelques pourcents d'élasthanne dans le coton. Dans le denim, l’utilisation de produits chimiques intervient à de nombreux moments entre la teinture, la fixation de la couleur ou le délavage.

« Nous utilisons des métaux lourds ou encore du chlore, explique Miguel Sanchez, d’Archroma. Il existe des solutions alternatives. Mais il est temps de s’interroger sur ce que l’on veut. La vie de notre planète ou l’argent ? Il faut repenser nos usines, utiliser d’autres teintures, à partir de biomasse par exemple. Nous avons besoin de structures efficaces et plus compactes. Enfin, il faut impliquer le consommateur. Sa manière de laver son jeans doit être adaptée ». En attendant les machines à laver sans eau, le chimiste conseille l’utilisation d’un savon doux.

Changer d’approche. Telle serait l’une des solutions. Prym Fashion Italia a dû convaincre ses clients pour valider des process plus écologiques. La société, spécialiste des rivets et boutons pour le jeans, a voulu supprimer l’utilisation de métaux lourds dans sa production.

« Nous avions une demande d’effets, dorés, chromés ou vieillis sur ces pièces, explique Marco Corti. Pour obtenir ces résultats, nous devions appliquer à chaque fois de fines couches de métal et consommer beaucoup d’eau. Nous avons imaginé utiliser moins de chimie et donc moins d’eau tout en supprimant les métaux lourds. Les clients étaient intéressés, mais voulaient les mêmes finitions. Et souhaitaient qu’un organisme extérieur valide notre approche. »

La société s’est rapprochée de Made By, qui estime les gains écologiques réalisés. L’aventure commencée il y a trois ans monte en puissance et séduit des clients comme Patagonia, Tommy Hilfiger ou Levi’s, jusqu’à peser 6 % de l’activité l’an dernier. « Cela continue de croître et cela va représenter 10 % cette année, d’autant que nous développons le process sur d’autres pièces. Mais nous ne serons jamais à 100 %. Il y aura toujours des marques de luxe qui souhaitent avoir une couche d’or sur leurs boutons. »

Aboutir à une industrie plus propre se comprend aussi dans l’organisation des sites de production. Car le tout n’est pas de produire un vêtement ou une toile propre, encore faut-il correctement gérer les déchets ou sa consommation de matières premières.

« Dans notre production, nous avons une collection responsable qui représente 10 % de nos volumes. Mais l’approche doit aussi être dans l’entreprise, souligne Sedef Uncu Aki de Bossa. Les salariés doivent être sensibilisés. C’est un changement d’état d’esprit pour passer d’une économie linéaire à une économie circulaire. Nous voyons le déchet comme une ressource. C’est le seul moyen d’arriver un jour au 0 déchet. »

La route est encore longue, les questions de l’origine de l’énergie ou d’un marché globalisé sur lequel les normes diffèrent selon les pays restant en toile de fond. Mais de nombreux acteurs se saisissent de ces questions. Et de leurs expériences actuelles naîtra probablement l’industrie denim de demain

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