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4 janv. 2023
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Vincent Wauters (Rossignol): "Accélérer les lancements durant le Covid nous a offert un très fort rebond"

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4 janv. 2023

Avec son plan Ascension 2026, le Groupe Rossignol vise les 500 millions d’euros de chiffres d’affaires au terme de son exercice 2026, contre 313 sur son dernier exercice, clos fin mars. Plus qu’un objectif commercial, Vincent Wauters, qui est à la manœuvre depuis deux ans à la tête du groupe propriété du fonds norvégien Altor Equity Partners, a réajusté le modèle du spécialiste des sports de montagne. Une stratégie industrielle plus respectueuse de l’environnement pour ces usines de skis, une montée en puissance de son offre d’habillement et de chaussures et un nouveau concept de magasin doivent porter cette ambition de croissance. Le dirigeant détaille pour FashionNetwork.com ses ambitions.


Vincent Wauters, qui présente le ski Essentiel de Rossignol, a pris la tête du groupe Rossignol en février 2021 - Rossignol



FashionNetwork.com : À l'automne, vous avez dévoilé votre plan Ascension 2026. Mais depuis votre arrivée il y après de deux ans, vous avez déjà fait évoluer le portfolio de marques en cédant plusieurs activités. Quelle est votre approche ?

Vincent Wauters : Je suis arrivé dans mes fonctions au premier février 2021. Ma perception est que le Covid-19 était un catalyseur pour accélérer des changements qui étaient nécessaires. Et finalement cela nous a donné un regain d'énergie pour faire face à la situation. Je crois que dans un groupe il est important que les marques partagent un socle commun en termes de valeur et de projection émotionnelle. Dans un monde qui fluctue fortement et rapidement, c'est un atout très important. À mon arrivée nous avons décidé de vendre le vélo de route qui était fabriqué, développé, commercialisé depuis la côte ouest américaine sous la marque Felt.  Nous avons aussi vendu les pédales Time. Pour Dale of Norway, nous avons un partenariat pour la commercialisation aux États-Unis mais elle n’est pas dans le périmètre opérationnel du groupe. Toute cette approche représente un recentrement stratégique. Cela permet de mobiliser les énergies et de se focaliser dans une approche qui nous est naturelle et authentique.

FNW : Vous êtes donc recentré sur le métier historique et Rossignol ?

VW : En fait, notre volonté est d’incarner le groupe Rossignol encore plus dans la montagne. Cela signifie assumer pleinement le côté très inspirationnel, qui dépasse l’approche technique et sportive. Il nous faut être en cohérence avec la montagne en termes esthétique, sémantique et de valeur. Quand on parvient à faire cela c’est très très puissant. Nous avons une chance inouïe avec notre cœur d’activité historique de l'équipement de sport d’hiver, car je crois que l’activité sportive est un élément émotionnel important. Mais ce n'est que l'un de ceux que nous devons activer. En fait, l’après-ski est presque aussi important que le ski.


Le groupe s'est recentré sur l'univers Montagne, comme ici avec Dynastar - Dynastar



FNW : Pourquoi?

VW : Car c''est très riche émotionnellement. C'est un moment de bien-être physique et mental. C'est un moment précieux en termes de relations humaines, où les gens sont bien dans leur corps et dans leur tête. Ils ont envie d'être beaux. Cela se traduit par l'utilisation de matières nobles, de mérino, de cachemire, avec de beaux pulls, de belles chaussures. Je pense que nous avons l’opportunité de bien incarner cet univers fantastique de la montagne. En hiver d’abord puis en déployant quatre saisons.

FNW : Vous visez le cap du demi-milliard d'euros de chiffre d'affaires dans votre plan 2026, soit 75% plus haut que lors de votre dernier exercice. Quelles sont les marges de progression que vous avez déterminées?

VW : Pour le produit, l'équipement de sport d'hiver est un marché mature. Même si tout le monde espère voir la Chine décoller, les JO ayant apporté une bonne visibilité, c'est plutôt une bataille de parts de marché. Et l'année dernière, nous avons gagné deux points. Nous avons maintenant 19% de parts de marché globales avec le ski de fond, le ski alpin et la chaussure alpine. Mais le vrai relais de croissance c'est le softgoods avec les vêtements et les chaussures.

FNW : En travaillant quel univers?

VW : C'est d'abord l'hiver, car c'est notre ancrage avec un beau marché de l'après-ski. Mais nous allons nous développer vers le versatile actif multisaisons. C'est là où le vélo a tout son rôle. Même si cela ne sera pas un volume important au démarrage, cela apportera la crédibilité sur le printemps-été. Nous gardons le même univers de la montagne, avec les mêmes profils consommateurs et les mêmes partenaires commerciaux. Nous changeons juste l'activité.


Rossignol travaille sur son image autour de ski et de l'après-ski - Rossignol



FNW : Dans son offre textile, Rossignol a à la fois une expertise technique, mais a développé, depuis six ans, des lignes habillées. Quelles vont être vos priorités d'investissements marketing? Avec quel message?

VW : D'abord, ce sera un investissement sur le positionnement de la marque plus que sur la conversion. Moi je crois dans la puissance des marques et la segmentation est au service de la marque. Nous avons recruté un responsable stratégie marque. Gabriel Authier, qui est un ancien athlète de snowboard, passé par Redbull, où il a travaillé l'énergie de la marque. Je l'avais recruté chez Arc'Teryx comme directeur stratégique, puis il a rejoint Lululemon. Donc c'est un investissement sur la marque. Quand on lance une collection, la première étape est de valider le positionnement stratégique de la marque et la deuxième étape est de déterminer les expériences consommateurs que l'on veut offrir. C'est seulement ensuite que l'on travaille le brief design.

"Pour des projets hors cadre, il faut déjà construire un cadre solide"



FNW : Cela signifie que vous avez revu votre offre de produits?

VW : Je pense que nous avions déjà fait un travail intéressant sur les produits. il y avait des trous parfois dans la gamme. Donc nous avons lancé des chaussures, des sacs à dos. Nous avons retravaillé des lignes, la cohérence du branding, des lignes de force du design... Mais ce qui change c'est la manière dont est mis en valeur l'esthétisme de la marque. Dans notre dernier film, nous sommes dans l'émotion avec l'idée de la transmission. Avec la passation de la passion, du savoir-faire, avec de la bienveillance.

Et nous aimerions aussi utiliser toute la belle énergie de la compétition au delà du moment de la compétition, sortir de la pure performance pour la médaille, même si cela fonctionne très bien et nous a apporté 25 médailles d'or dans le groupe avec nos athlètes aux derniers JO. L'idée c'est d'avoir l'avant et l'après, voir avec eux ce qu'ils vivent au printemps-été pour construire plus d'histoire et d'émotions associées aux marques. On veut assumer la caractéristique de transmission émotionnelle de la montagne. Je serai ravi que ces produits avec de belles coupes et belles matières soient portés en ville, mais notre propos sera toujours avec l'inspiration de la montagne.

FNW : Vous avez votre équipe style, avec Alessandro Locatelli à la direction générale, basée à Milan. Certaines marques issues du sport défilent durant les Fashion Weeks. Cela fait-il partie de vos projets?

VW : Dans un premier temps, notre travail porte sur l'authenticité et le recentrement. mais dans un deuxième temps une fois que tout cela est bien établi alors il est possible d'aller chercher du hors cadre et l'étincelle. J'adore cela. Quand j'étais le CEO de Hunter, je me suis beaucoup amusé. Avec Alasdhair Willis, qui était directeur artistique, nous avons fait des choses incroyables. Mais il faut faire cela au bon moment. Les collaborations, comme avec Balmain l'an passé, sont pour l'instant de bons outils. Pour les projets plus forts, pour que ce soit hors cadre, il faut déjà avoir un cadre solide.

FNW : Vous semblez fonder beaucoup d'espoir sur votre offre chaussures?

VW : Oui, je pense que Rossignol possède un énorme potentiel sur ce marché. La marque s'est construite avec 115 ans d'expérience sur la partie basse de la silhouette: le ski, les fixations et la chaussure alpine. Nous avons avancé plutôt plus vite sur le vêtement que sur la chaussure ces dernières années. C'est un paradoxe. Mais avec la Chamonix, nous avons une très belle chaussure en cuir à 400 euros qui peut vraiment devenir iconique. C'est un marché fin sur le vintage technique, mais nous avons imaginé une version mid et nous aurons une base nylon pour pour aller de 295 à 400 euros.

Le deuxième concept ultra-puissant pour nous est l'après-ski. Nous avons la Podium, que les athlètes mettent après la compétition et qui reste très technique. Puis nous avons créé une déclinaison resort et une version slip-on nommée Chalet. La distribution, lancée cette saison, est plus large que chez les spécialistes ski, car cela s'apparente à une basket des neiges.


Le modèle Chalet de Rossignol - Rossignol



Nous avons aussi le concept performance qui s'articule autour de trois produits mais je veux prendre le temps de le faire très bien. Il nous faut encore 18 mois pour compléter ce projet. Et enfin nous allons avoir une expression de petites sneakers versatiles et engagées au niveau écologique. Dans 18 mois nous aurons quatre beaux concepts chaussures assumant style et performance.

FNW : Le produit est un élément clé de votre plan de croissance. Mais vous avez aussi des ambitions dans les canaux de distribution. Dans ce cadre, quel est le rôle de votre nouveau concept de magasin Start Gate?

VW : Ce nouveau concept est installé à Bex en Suisse et à Bromont au Canada. Il a été imaginé avec un parcours du client en slalom entre les différentes marques du groupe. C'est un parcours émotionnel, avec des color-block très forts, rouge pour Rossignol, bleu pour Dynastar, jaune pour Look. Le tout jouant sur les contrastes avec un univers tout en blanc. Vous savez pour les urbains qui rallient la montagne, il y a toujours un moment sur la route où il y a le sentiment d'être quasiment arrivé. Nous avons positionné ce Start Gate, sur le chemin entre la ville et la montagne. C'est l'idée du moment de passer par le sas émotionnel de l'anticipation à l'expérience.

FNW : Mais il existait des magasins Rossignol à Milan et Paris. Ils n'ont plus vocation à fonctionner?

VW : Si. Nous avions plusieurs concepts. Nous avions par exemple Proshop en Italie, qui était déjà multimarques et axé sur le service et la performance, qui reste l'ADN du groupe. Avec Start Gate nous ajoutons une proposition fonctionnelle et émotionnelle. Nous conservons également les magasins monomarques Rossignol. J'attends de renforcer l'offre printemps-été avec la chaussure pour avoir une offre pertinente toute l'année, avant de recommencer un déploiement. Sans cela, on peut se faire plaisir mais ce n'est pas très rentable.


Concept Start Gate du groupe Rossignol à Bex en Suisse - Rossignol



FNW : Que pèse l'e-commerce aujourd'hui?

VW :
Dans notre plan de croissance, notre développement sera omnicanal avec le même rythme en e-commerce et wholesale. Nous voulons que l'expérience soit équivalente en ligne ou chez un magasin partenaire. Les ventes en direct, en ligne et physiques, représentent 10% du chiffre d'affaires du groupe et nous voulons atteindre 15% avec le Plan Ascension 2026. Mais sur la partie Softgood nous sommes déjà à plus de 40%. De mon expérience une marque forte en B2C l'est aussi en B2B car elle arrive à créer de l'attrait et de la visibilité.

"J'ai pris conscience de la notion d'urgence"



FNW : Si l’on regarde votre plan Ascension, qui comporte aussi tout un pan sur la production de skis plus écoresponsables, vous allez vers une évolution assez radicale du rôle de Rossignol sur le marché.

VW :Totalement! Clairement j'aurais pu imaginer un contexte un petit peu plus facile que la gestion de la crise Covid pour prendre ce job. Mais un tel contexte permet de réfléchir sur tous les fonctionnements établis. J'ai eu la chance de travailler pour deux autres belles marques avant, et je prends toujours le temps de réfléchir sur la raison d'être de la société. Il est nécessaire d'analyser les valeurs et l'articulation de la marque. Pour le groupe Rossignol, cela signifiait aussi regarder le rôle de chaque marque dans le portfolio. Et il s'avère que dans le même temps j'ai rejoint la convention des entreprises pour le climat. Donc ma démarche de travail sur la raison d'être a aussi été fortement influencée et enrichie par mon expérience personnelle au sein de la convention.

FNW : C'est à dire?

VW : Participer à cette convention, c'est un engagement personnel assez fort. Cela demandait une implication dans six étapes de 2 à 3 jours chacune sur des week-ends. Dans cette expérience, j'ai pris conscience de la notion d'urgence et du besoin de changements systémiques dans les industries. Tous les participants de la Convention avaient pour objectif d'aller vers l'action et de générer une mise en mouvement. Ce qui a été formidable, c'est que cela coïncidait avec une attente des équipes de Rossignol. Ce sentiment d'urgence est en fait partagé par un très grand nombre dans les entreprises.

FNW : Mais par rapport à cet enjeu, l'ampleur du changement à réaliser peut parfois être anesthésiant. Comment enclenche-t-on la machine du changement ?

VW : Les premiers jalons ont été posés avant mon arrivée. En janvier 2020, le programme Respect qui est le programme d'engagement écologique et social avait été documenté avec des objectifs. La société a tout un historique d'engagements dans les usines. La première certification ISO 14001 qui est la plus exigeante, date de 2006. Ce qui a changé c'est que nous avons défini notre raison d'être. En anglais c'est "Carve movements of sustainability and human potential", comme un clin d'oeil au ski mais aussi au travail de l'artisan. Abel Rossignol était un menuisier. Il avait la fierté de marquer le bois et d'en faire des objets incroyables. Donc le premier sens de cette raison d'être c'est d'offrir de l'équipement pour donner aux personnes la possibilité de déployer leur potentiel humain sportif. Cela reste évidemment dans les fondamentaux de l'entreprise mais nous avons ajouté deux autres dimensions. Le social et l'inclusivité. Et pour avancer, avec comme cadre cette raison d'être, nous nous sommes organisés différemment en séparant innovation et R&D. Nous avons mis dans une même équipe, l'innovation, le programme Respect et le bras armé du changement qu'on appelle le project management, le PMO.

FNW : Pour quoi faire?

VW : En fait on a libéré l'innovation du cadre de la R&D, ce qui permet d'aller chercher de nouveaux partenariats, de nouveaux business models et en insérant Respect dans la même équipe, nous apportons la nécessaire approche responsable. Cela permet d'ouvrir les possibles. Clairement cela nous a permis d'accélérer beaucoup de sujets.

FNW : Pour construire ce modèle, vous vous êtes inspirés d'autres industries?

VW : En fait, je crois qu'une organisation n'est là que pour un temps donné, pour un but donné. Donc ce n'est pas une question de bonne ou mauvaise organisation. Il y a des organisations qui sont bien alignées avec l'angle stratégique à un instant T. Je n'avais pas d'idées préconçues. Dans mon ancienne société, j'avais mis le PMO avec des ressources humaines, ce qui est atypique. Mais le besoin était d'identifier très en amont les profils nécessaires aux changements dans l'entreprise. C'est atypique mais cela libère les énergies. Je suis curieux et ouvert. J'ai vu qu'il y avait un besoin de se focaliser sur l'amélioration continue des produits. Je voulais que la recherche et développement puissent vraiment s'engager à 200% sur les besoins techniques immédiats pour les produits. Et de l'autre côté que l'innovation puisse réellement explorer des choses nouvelles.

87 prototypes pour le ski Essentiel



FNW : Et les changements nés de cette organisation, vous les voyez déjà ?

VW : C'est déjà évident. Nous avons présenté le ski essentiel. En novembre, nous avons annoncé nos programmes  second life et second choice (le premier commercialise des skis avec de légers défauts, le second valorise des skis non-conforme et donc qui ne sont pas vendus). Nous avons aussi lancé one-for-one, qui est un programme de don d'une paire de ski pour une paire de skis achetée.

Et enfin nous avons annoncé des investissements assez importants de avec le plan Ascension. Ces éléments ont été décidés ou accélérés au creux de la vague du Covid. Cela signifie que cela nous demandait un petit peu de projection positive dans l'avenir. Pour le projet du ski essentiel, quand je suis arrivé la perspective était un lancement sur l'Ispo 2024 ou 2025... Nous l'avons annoncé fin mars 2022 et il est commercialisé depuis le 9 décembre.


Rossignol a présenté en 2022, son ski recyclable - Rossignol



FNW : Mais cela demande des moyens pour accélérer.

VW : Nous avons la chance d'avoir nos usines. Ces modèles sont fabriqués à Sallanches. Nous avons aussi des partenaires privilégiés ce qui nous permet de lancer la production quand nous le souhaitons. Mais, il faut bien l'avouer, il y a une réelle prise de risques dans l'accélération. C'est aussi une projection de notre volonté. Donc ce n'était pas gagné d'avance. Pour vous donner une idée pour un ski traditionnel, nous faisons entre 15 et 20 prototypes. Pour le ski Essentiel, nous en avons réalisé 87. Et en plus, à l'époque, nous ne savions pas si nous aurions le droit de tester ces skis. Mais c'est là où la magie s'opère, la mairie de Tignes nous a ouvert ses pistes. Clément Bouvier nous passe les clés de son hôtel. Des volontaires, amoureux de la marque, ont damé une piste... Tout cela est un peu fou mais vient récompenser une volonté stratégique. Nous avons non seulement gardé tous les budgets de recherche et développement dans cette période mais en plus nous avons accéléré les lancements, ce qui nous a offert un très fort rebond en 2022.

FNW : Mais, vous le dites, c'est un pari important. Les usines Rossignol ont connu des hauts et des bas ces dernières années. Et durant la période vous avez contracté aussi un PGE. La période a été complexe pour le secteur de la montagne et du ski, avec les fermetures des domaines et des stocks importants. Comment pouvez-vous redémarrer la machine et dynamiser un plan d'investissement de 50 million, dont 27 millions d'euros d'industriels?

VW : Effectivement, il y a eu un peu des hauts et des bas. Avant cette période, la personne qui aurait été à ma place aurait dû justifier le fait d'avoir des usines en Europe de l'Ouest, en Italie en Espagne. Ce n''était pas super évident. Pour Rossignol, finalement ce qui aurait pu être vu comme quelque chose de compliqué à gérer et à justifier il y a quelques saisons, représente maintenant un atout extraordinaire. Tout le monde a vu que la super chaîne d'approvisionnement mondiale se tend quand il y a des problèmes. Et cela n'est pas si idéal que d'être dépendant de l'Asie ou de l'Europe de l'Est. Aujourd'hui, nous sommes pratiquement à 100% en Europe de l'Ouest, non seulement pour la production dans des usines qui nous appartiennent mais aussi pour l'approvisionnement de matières.

Donc, c'est vrai, cela n'a pas été facile. Mais nous avons la main sur le contact et si nous devons réduire la capacité, nous l'assumons directement. Nous avons été aidés par l'État avec le chômage technique et avec le PGE donc on a pu gérer les décélérations. Nous avons fait des sacrifices, il y a eu des ajustements... Mais nous avons aussi la clé pour rebondir directement et donc nous avons pu relancer la production. D'autres n'ont pas cette maîtrise. Je tire mon chapeau aux équipes car l'approvisionnement de matières a été compliqué à gérer.

FNW : Vous avez géré la période de crise et pu garder la main sur votre production. Mais comment avez vous convaincu des partenaires de vous suivre?

VW : C'est la deuxième étape. Comment convaincre d'investir dans l'avenir? Je pense qu'il y a là un paradoxe. On peut être chagrin et se focaliser sur l'inflation sur l'énergie. Ou avoir une autre optique et le voir comme une opportunité. A présent, j'ai des retours sur investissement qui sont plus favorables pour investir dans des panneaux solaires ou pour changer mes équipements. Donc je suis optimiste, rationnel mais optimiste.

FNW : Cela signifie quoi concrètement?

VW : Mon retour sur investissement pouvait sembler compliqué à justifier auprès des actionnaires il y a encore un ou deux ans. Maintenant je peux le défendre et cela a été validé. On va refaire les toits des usines d'Artes (En Espagne, ndlr) et de Sallanches. Et nous allons mettre des panneaux solaires sur l'usine d'Artes. C'est pratiquement un tiers des 15 millions d'investissements. Ce n'est pas une bonne chose que l'énergie soit plus chère et les choses sont compliquées pour les citoyens et les entreprises. Mais ce challenge est un élément de rebond créatif. Par exemple, je regarde les opportunités d'investissements concernant les compresseurs qui consomment beaucoup d'énergie, ou les possibilités de réduction de notre empreinte sur la production de déchets industriels (La société a tissé un partenariat avec la société MTB pour recycler les déchets de production de ses skis, ndlr). Nous allons investir dans la découpe à sec, avec des nouveaux procédés et de nouvelles machines. Actuellement, j'ai le sentiment qu'en réalité le chemin des possibles est plus large qu'on pourrait le croire.


Rossignol mise sur l'expansion de son offre Lifestyle - Rossignol



FNW : Vous êtes optimiste, mais ce contexte inflationniste et ces hausses de coûts ont forcément un impact sur votre production. Comment justifier les augmentations de prix et lisser les impacts?

VW : Notre responsabilité est de pérenniser l'emploi et l'entreprise. Nous optimisons nos actions, mais nous avons aussi transféré ces augmentations sur nos prix. Et nous l'avons assumé. Nous l'avons fait en lien avec les prix de matières qui ont augmenté et sur certains segments de produits. Par ailleurs, nous avons un avantage, c'est que l'Espagne et Portugal ont pu avoir une exception des modes de calcul de prix de l'électricité européenne en découplant du gaz. Nous avons une usine en Espagne, où nous produisons 600.000 paires de skis alors qu'à Sallanches c'est 160.000. Donc depuis le printemps, nous avons un prix stabilisé, il reste élevé mais beaucoup moins qu'en France. Et l'énergie solaire va aussi nous aider très prochainement!

FNW : Comment anticipez vous cette année 2023, avec des priorités de consommation qui ne seront pas forcément orientées vers le loisir et le vêtement?

VW : Déjà, nous clôturons l'année en mars. En 2021-22, nous avions récupéré 95% du niveau d'activité d'avant Covid. A périmètre équivalent, nous étions à 331 millions d'euros. En mars 2022, nous avons finalisé à 313 millions d'euros. Mais nous sommes très confiants avec un record de ventes historiques dans l'équipement et dans le vêtement avec des croissances à deux chiffres. On voit que les ventes de pass de skis dans le monde sont bonnes. On sent qu'il y a un engouement très fort qu'on a vu à la sortie du Covid et qui continue pour la montagne et je pense que c'est parce que il y a une telle anxiété par rapport à l'actualité mondiale que les gens ont besoin de s'évader et que la montagne offre un lieu de ressourcement. La croissance se voit dans toutes nos géographies avec une accélération encore plus forte en Amérique du Nord. Pour l'année prochaine, je suis assez confiant pour l'équipement car la saison se présente bien et que les stocks vont tourner. En revanche, sur le vêtement on voit que l'été a été compliqué, que les niveaux de discount sont élevés, en particulier sur le lifestyle. Je pense tout de même que nous aurons une belle croissance car nous introduisons des nouveaux produits dans le skiwear, des nouveaux segments avec la chaussure mais aussi des sacs à dos.

 

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