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25 mars 2013
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Béatrice Ferrant: "En Chine, tout est mouvement"

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25 mars 2013

La même semaine, Pékin accueille la Fashion Week, le salon de vêtements et d’accessoires Chic et Intertextile. L’occasion pour FashionMag.com de donner la parole à des acteurs de la mode qui rappellent souvent, entre deux réponses, que ce qui est vrai aujourd’hui peut être faux demain. Béatrice Ferrant, membre du jury du Hempel Awards dédiés aux jeunes créateurs internationaux, et qui travaille depuis 2011 pour des entreprises chinoises tout en pilotant sa propre marque, ouvre le bal.


Béatrice Ferrant



FashionMag.com: Vous conseillez certains créateurs chinois. Quel regard portez-vous sur la Chine et sa scène mode ?
Béatrice Ferrant: Il y a une vraie demande en conseil et en accompagnement. Un véritable intérêt et également un vrai besoin. Les Chinois sont lucides sur leurs capacités. Ils savent également que le marché du moyen de gamme est saturé. Ils veulent upgrader leurs produits en termes de qualité comme en style. Et le style, c’est assez compliqué. Vous n’avez pas un Dieu en Chine, donc pas de créateur. Ce mot n’existe pas en tant que tel. Reproduire oui, mais créer n’appartient pas au vocabulaire d’une génération de businessmen. Les panneaux de tendances, ils savent faire mais pas partir de leurs propres inspirations et d’alimenter une page blanche en croquis.

FM: Est-ce inquiétant ?
BF: Non, loin de là. On voit déjà l’évolution. Ceux qui ont quarante ans aujourd’hui ont saisi des opportunités de développement sur des créneaux. Les noms des marques ont des consonances italienne ou française. Pendant des années, en Chine on reproduisait sans personnaliser un tel ou un tel. Le problème était celui de l’assimilation. Là, les créateurs travaillent à faire un produit identitaire. Il ne faut pas oublier que la clientèle chinoise aime la nouveauté ! Sur un certain niveau, les collections se ressemblent car ils ne savent pas faire autrement.

FM: Et que cherchent-ils alors plus précisément ?
BF: Ils ont envie de comprendre pour monter en gamme. Comprendre les plans de collection ou encore les tissus. Nous, nous savons choisir les tissus. Au fait, se faire du bien au travers d'un vêtement n’est pas encore intégré. Ainsi, certaines pièces avec des tissus rêches ne causent pas de souci. Le consommateur est prêt à endurer beaucoup de choses. L’assimilation des process de tendances est en train de se faire. L’étape suivante, c’est la création pure en puisant dans leur passé. Ainsi Lian Zi, créatrice de Shenzen, travaille la soie de Guanzou avec de nouvelles formes. A vrai dire, les modélistes sont des ouvriers de la campagne et n’ont pas toujours le sens des proportions, de l’architecture d’un vêtement… Ils étaient surpris quand j’ai demandé à tester le vêtement sur un mannequin vivant.

FM: Et la demande ?
BF: Le consommateur chinois commence à s’éduquer et du coup à demander autre chose. Ils vivent un peu les années 1970 européennes où il y avait une frénésie de consommation. Il faut donc se différencier. C’est sur le haut de gamme que se jouent les enjeux, et ils n’ont pas encore forcément les clés. Dans l’homme, c’est déjà réussi en raison d’un éventail de couleurs et de coupes réduit. C’est aussi le premier marché qui a démarré. Dans la mode féminine, encore beaucoup de choses restent à apprendre.

FM: Et la vision de la Chine par les Européens ?
BF: Pékin manque encore de glamour. Les Européens n’intègrent pas encore la Chine dans leur conception du design mondialisé. Si l’Europe n’était pas en crise, il y aurait bien moins d’Européens à venir en Chine, selon moi.

FM: Avant d’emmener votre marque, vous avez décidé d’y être conseil pour certaines marques ? Comment cela se passe-t-il ?
BF: En Chine, rien n’est vrai. Il n’y a pas d’évidence, de voie tracée. Nous, nous arrivons avec nos convictions. Or il faut d’abord comprendre la mentalité des Chinois. Ici, tout est mouvement. Pour moi, cela a été un vrai coup de cœur. Il faut être souple d’esprit. Nous ne pouvons pas camper sur nos positions. Je pense qu’en 5 à 10 ans, il y aura une vraie offre chinoise sur le haut de gamme. Cela va vite. Prenez les écoles européennes, elles accueillent de plus en plus d’étudiants chinois pour apprendre les techniques de coupe et de montage.

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